Sensations fortes

Journal de bord

 

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Paysage d’aquarelle aux cays qui contraste avec les émotions du jour…

Il est des jours où même une navigation tranquille peut réserver quelques surprises… La scène se passe à Canouan, l’une des Grenadines, un mardi matin…

Depuis le départ de la Martinique, les vents semblaient enfin s’être apaisés, et la descente vers le Sud se faisait, errant d’un mouillage à l’autre sans plus de soucis que la découverte des lieux et la température de l’eau. L’occasion rêvée pour aller mouiller à Baie Mahaut, au Nord de l’île de Canouan. Un mouillage exposé Nord, sauvage, et réputé très beau. Nous sommes arrivés en fin d’après-midi, Kanaga se faufilant dans la passe sans encombres, abrité dans une charmante baie. Nous sommes seuls au mouillage et le site ne failli pas à sa réputation. Nous profitons des lieux, observons le ciel dégagé et étoilé, et nous nous apprêtons à passer une nuit paisible (sauf pour les jeunes parents du bord, mais ça, c’est la routine).

4h30 du matin. Hervé saute dans un short et met sa frontale « Faut qu’on dégage de là, faut qu’on dégage de là ! » « Debout tout le monde, on s’arrache !! ». J’ouvre un oeil, les deux, je sens que le bateau roule légèrement, ni plus, ni moins, je mets la petite dans le porte-bébé et file sur le pont. Ça déferle sur la côte. Mais surtout, ça déferle derrière nous, quelques centaines de mètres plus loin, vers le large. Une houle du Nord-Ouest s’est levée, fait rarissime dans ces contrées. Elle se concentre dans la passe et y forme une belle déferlante. Merde. Nous sommes pris au piège.

Deux solutions s’offrent à nous : rester ici au mouillage, sans savoir comment va évoluer la situation et prendre le risque d’avoir le bateau qui chasse à la côte…ou passer la barre, comme les surfeurs, en serrant les dents car faire un canard avec un voilier de 36 tonnes ça complique la donne…

Nous prenons la deuxième option. Les équipiers suivent les consignes, tout le monde reste très calme. Il fait nuit et à part le bruit des vagues qui déferlent à quelques centaines de mètres, il est difficile de s’imaginer que nous sommes dans une situation périlleuse. L’un remonte la pioche, l’autre est à la barre, un troisième surveille le sondeur et le GPS. Il s’agit de passer la (grosse) vague sans se poser sur les récifs qui encadrent la passe…Le reste de l’équipe est dans le cockpit ou dans sa bannette. On avance vers l’obstacle, le bateau tangue doucement, puis le son de la déferlante s’approche. Pour ma part je suis près de la descente veillant sur le sondeur, ma fille et…ma mère (ben oui tant qu’à faire ce genre d’évènement autant les vivre en famille…). On y est, attention, il va falloir faire un beau canard…Hervé est à la barre.
Nous passons à travers un premier rouleau, puis un second beaucoup plus violent. Le bateau se cabre franchement pour retomber de tout son poids, l’étrave sous l’eau. En moins de 3 secondes la capote est arrachée par la puissance de l’eau et nous bien sonnés. Ma fille n’a rien, ma mère non plus. Mon père (en famille je vous dit…) s’en tirera avec une belle blessure sur l’index, mais rien de grave. Tous les autres équipiers n’ont rien, si ce n’est pour l’un d’eux la vision quelque peu impressionnante de la vague qui casse sur le bateau. J’ai le coeur qui bat à 200 à l’heure, grosse frayeur. La mer a rappelé sa toute-puissance…

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Sans bôme ni capote, Kanaga a des airs de bateau de naufragés…

Taïna me regarde avec un grand sourire. Le canard est réussi, mais sincèrement, c’est plus simple en surf ! La mer, à part cette douce houle du Nord est de nouveau tranquille…peut-être même quelque peu ironique ? Nous nous dirigeons vers les Cays, le soleil se lève dévoilant un tableau particulièrement calme. Le ciel est gris, les couleurs pastels. Une aquarelle. Quel contraste. Nous mouillons dans le lagon, sans bôme (cf post précédent…), sans capote. Kanaga a des airs de bateau de naufragés.

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Séchage entre deux ondées…
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Certains bouquins n’ont pas été épargnés

Mais! On ne va quand même pas faire tout un plat pour une (grosse) vague ! A peine arrivés aux Cays, tout le monde s’y met. La mer s’étant invitée à bord, des bouquins sèchent dans le carré, le pont est jonché de fringues, draps, coussins trempés…La machine à coudre est sortie, en deux temps trois mouvements, la capote recousue, sa structure re-assemblée et son embase fixée de nouveau sur le roof.

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Mais ni une, ni deux, on répare la capote

Autour d’un café revigorant, chacun raconte comment il ou elle a vécu l’épisode…on en rit…mais en catimini nous demanderons tous au capt’ain si l’abri où nous sommes là, pour la nuit il est bien sûr sûr quelque soit la houle….et nous irons vérifier plutôt deux fois qu’une que l’ancre soit bien crochée au fond !

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Un bon abri, et un plongeon dans le lagon pour se remettre !

 

Enfin bon, heureusement rien de mieux pour se remettre qu’une bonne session d’apnée. Il pleut  -ce qui n’aide pas les livres à sécher, mais permet de profiter du spectacle de la pluie qui crépite sur la surface. Ah, c’que c’est beau ces poissons multicolores, les tortues, les pastenagues, le diodon, et…un requin. Ok, un nourrice inoffensif, mais vu du masque, certes grossissant, un requin reste toujours plus impressionnant que sur la photo des guides d’identification…Les palmes me guident comme par magie vers le chemin du retour…ça ira pour les émotions de la journée, je vais aller lire une BD dans le carré moi !!!

A suivre,

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  • Hé ben, bonjour l’aventure , pour un baptême pour certaines çà en est un !!
    La « fameuse vague » ?
    Bon retour au calme et bon séchage …
    Bises de l’ocean Indien !

  • Aïe aïe aïe
    Hervé je te soupçonne d’un petit acte peu sympathique. ….volontaire afin d’effrayer beau papa et belle maman
    ……..bien vu et belle manoeuvre pti frère !!!
    Biz à tous

  • Ouf…..tout se termine bien ….
    La nature se rappelle quand on s’y attend le moins ….
    Bonne suite du voyage, plus calme …

  • Je t’assure, çà donne envie. pluie fine, dossiers à rédiger, chaise un peu dure, paysage immuable par la porte-fenêtre, alors le Large, l’Aventure, l’Imprévu, çà démange, grâce à cette superbe prose. Merci du partage. bises.

    Anne

  • Ouah! quelle aventure !
    bravo au Captain, Hervé tu es vraiment au top, THE Sailorman!- et bravo à l’équipage qui n’a pas failli.
    on vous embrasse
    Marie-Françoise et Thierry

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