Empannage

Journal de bord
La couverture !

Empannage, comme le titre du troisième ouvrage que nous co-signons avec Antoine Bugeon – vous savez, mon dessinateur préféré. Le temps de réunir plumes et crayons et voici le livre paré à être imprimé et diffusé !

Une série d’histoires où le lecteur est ballotté… jusqu’à l’empannage.
Sous couvert de fictions et de légèreté, ce sont aussi des réflexions sur autant de thématiques que le numérique, le tourisme, l’aventure, l’écologie, l’isolement, la fuite et l’amour bien sûr…
La mer et les voiliers servant de décors à des récits où c’est bien l’humain qui tient la barre…

Vous pourrez à partir du 11 octobre découvrir ces textes, inspirés comme toujours par les rencontres et échanges qui ont eu lieu à notre bord ces dernières années.

Rendez-vous le week-end du 14 et 15 octobre au Festival des Aventuriers de la mer à Lorient pour des séances dédicaces où je serai ravie de vous rencontrer !

Vous pouvez dès à présent passer commande par mail :
scriberiesmaritimes@gmail.com

Infos : https://kanaga.fr/nos-livres/

A bientôt sur les pontons !

Maurice, La Réunion et Les Seychelles

Journal de bord
Petit aperçu des Seychelles où le granit et la végétation tropicale ne font qu’un…

Maurice et La Réunion : deux nouvelles escales, deux iles aux visages métissés. Pendant que Vintage se faisait bichonner par les gars du CNOI, nous avons eu le temps d’explorer un peu l’île Maurice, puis, difficile de résister nous avons filé à La Réunion, à quelques 16 heures de navigation. Vintage est désormais aux Seychelles, préparant son passage vers la Mer Rouge…

Tonnier senneur

Le hasard de la vie a fait que le patron du CNOI – Chantier Naval de l’Océan Indien – est un ami d’enfance, perdu de vue depuis 35 ans… nous avons donc eu droit à un accueil plus que chaleureux !
Devant Vintage, la Curieuse, navire de recherche de 25m qui part régulièrement pour des campagnes dans les fjords des Kerguelen, derrière nous, des tonniers senneurs géants. Les plus gros pêchent 2400 tonnes de poissons en une marée…

Paré à caréner !

Sur le chantier, c’est une véritable fourmilière : ça meule, ça soude, ça découpe, ça peint quasiment de l’aube au milieu de la nuit. Le personnel est super sympa, pro et passionné.
Ils ont acquis depuis quelques mois un travel lift qui peut lever 1500 tonnes « le plus grand du monde! », alors autant vous dire que pour le poids plume de Vintage avec ses 53 tonnes, ça passait largement. Ceci étant, les bateaux soignés ici sont plutôt des bateaux de recherche, militaires ou de pêche… Vintage dénote un peu. A la recherche d’un chantier qui pouvait nous accueillir pour le carénage depuis que nous avons quitté Tahiti, trouver de la place au CNOI était une aubaine ! Alors voilà, Vintage a été hissé dans le travel lift géant, calé, nettoyé, et repeint pour retrouver l’eau quasi-neuf.

Depuis le « Pouce », le regard embrasse toute l’île…

Pendant ce temps, nous étions une partie de l’équipage à avoir eu le luxe de pouvoir découvrir un peu l’île Maurice. Encore une fois nous avons fait de très belles rencontres. Abdallah tout d’abord qui nous a guidé dans les restaurants indiens locaux. Après 17 jours de mer, nous rêvions d’une entrecôte frite, finalement ce premier repas fut coloré et riche de sauces diverses et variées… on a pas toujours bien compris ce que l’on mangeait mais c’était excellent !
Petite échappée aussi sur l’un des points culminants de l’île « Le Pouce ». De là, le regard embrasse toute l’île… qui est peuplée, très peuplée même avec ses 1,3 millions d’habitants.

Mr La France et la maquette de l’Hermione

Autre rencontre, au hasard d’une averse nous sommes rentrés dans une boutique de maquettes de bateau -tradition de la ville de Curepipe- où Mr La France nous a gentiment parlé de sa passion et fait visiter son atelier… La Belle poule, L’Hermione, ou encore les pirogues traditionnelles de Maurice. Sa boutique est un enchantement pour ceux qui aiment les bateaux traditionnels …

Du lac sacré de Grand Bassin…

… à des temples moins fréquentés…

En continuant nos escapades, nous avons été frappé par la quantité de temples hindous. Ne connaissant pas l’Asie, c’était pour nous très « exotique ». Les plus célèbres, au bord du lac de Grand Bassin, accueillent des pélerins par milliers chaque année, qui marchent parfois une semaine pour s’y rendre. Là, ils font face à deux monumentales statues de 33mètres (Shiva et Darga Maa), porte d’entrée du site à la fois lieu de culte, mais aussi haut lieu touristique, ce qui donne un contraste assez déroutant entre les « observateurs » et ceux qui sont ici dans la dévotion. Les macaques – importés par les hindous car considérés comme sacrés – profitent de cette aubaine auprès des visiteurs pour obtenir voire chaparder quelques bananes, parfois… vivement !
Plus au sud, le morne Brabant, est le symbole d’une histoire tragique. Des esclaves se cachaient dans cette montagne, les britanniques seraient venus leur annoncer leur libération lors de l’abolition de l’esclavage (autour de 1835), pensant alors qu’ils avaient étaient retrouvés, les marrons auraient préféré se jeter dans le vide… Aujourd’hui le Morne domine de magnifiques plages de sa hauteur, où les touristes affluent là aussi.

Nous saluons l’un de nos équipiers qui doit rentrer en Europe et retrouvons Vintage et le large pour une micro-journée, faisant cap sur La Réunion… Au petit matin, la forme de l’île qui culmine à quelques 3070 mètres nous fait face. Nous longeons la fameuse « route du littoral », construite sur la mer pour accoster au port.
Des silhouettes connues nous accueillent, certaines depuis la passerelle de leur bateau de travail, d’autres depuis leur bécane… quoi de mieux que de faire une réunion de famille à La Réunion ? Encore une fois donc on nous a réservé le plus bel accueil. L’escale a duré une grosse semaine durant laquelle Vintage était amarré à quai à « Le Port », le temps d’avoir les accords pour rallier les Seychelles – les arrivées en voilier ne sont pas toujours simples d’un point de vue administratif…

Le piton de la fournaise et son enclos…

En ce moment c’est la saison des baleines à bosses sur les côtes réunionnaises, et elles sont particulièrement nombreuses cette année ! Nous avons pu les apercevoir depuis les sentiers côtiers, ou au détour de chaque virage ou panorama… Dans les hauts, là aussi c’est tout aussi impressionnant. Le piton de la fournaise était en éruption du 2 juillet au 10 août… dans ces cas là, « l’enclos » (la zone entre les remparts et le cratère) est fermé au public, sage décision ! Le site est véritable désert minéral, qui comme la surface océanique cache une activité interne bien réelle. Puis, petit passage rapide à Mafate et Salazie bien sûr. Les reliefs y sont grandioses, et la population adorable. Les proches larguent nos amarres, un moment fort en émotions… et puis à la sortie du port nous partons avec 3 ris dans la GV et la trinquette, il y a du vent dehors… Nous croisons 2, puis 3, puis 4 puis 6 baleines… la dernière d’entre elle sort sa pectorale de l’eau et l’agite, un au-revoir ?

Quelques grains et paille-en-queue plus tard…

La houle est forte et le contraste avec l’abri du port violent ! Nous filons à 10,5 noeuds vers les Seychelles… Vintage semble exulter… Le quatrième jour, le vent tombe et Mahé apparait. Arrivé au port, nous retrouvons Ron, un copain voileux rencontré à Christmas Island… la magie de la communauté navigante. Derrière nous Vitalia II, l’ancien Orange II, qui a longtemps détenu le Trophée Jules Verne, un catamaran de 35 mètres de long et un mât d’au moins 50 mètres…

Eden Island, une île artificielle et de vraies îles au second plan…
La magie opère face à ces paysages dignes d’une carte postale…

Le port déborde de motor yachts de luxe… Il faut dire qu’ici aussi le tourisme est la base de l’économie et Mahé est connue pour ses plages de sable fin. Posés sur celles-ci d’énormes roches granitiques, cernées de végétation et une mer aux eaux turquoises : la carte postale. Je ne pourrai vous en dire beaucoup plus sur ces îles, le temps pour l’exploration me manquant… mais comme partout où nous sommes passés, je ne doute pas que les trésors que les lieux ont à offrir soient nombreux.

Ces cinq mois de convoyage à bord du Vintage ont été une merveilleuse expérience permettant d’atténuer la déception de la fin du chapitre Kanaga : des rencontres, de la (longue) route, des îles et pays divers et variés, le regard qui s’affute et de la matière à penser, réfléchir et inspirer…

Le reste de l’équipage prépare son passage du canal de Suez via la Mer Rouge pour la Méditerranée, destination finale du Vintage. Encore quelques 5000 milles nautiques à parcourir pour eux !

Merci d’avoir suivi et commenté cette nouvelle série d’articles… et à très bientôt pour parler Empannage cette fois…

Christmas Island et la traversée de l’Indien…

Journal de bord

Le Golden Bosum de Christmas Island…

Vintage vient de faire halte à l’île Maurice pour lui faire une beauté bien méritée après quelques 9000 milles depuis Tahiti. Retours sur la dernière escale, Christmas Island, et sur notre traversée de l’Océan Indien.

Christmas Island, quelques 250 milles au sud de Jakarta. Très honnêtement, avant de voir cette île sur notre parcours, je n’en avais jamais entendu parlé. Enfin si, peut être sans le savoir en visionnant quelques documentaires. Vous avez peut-être déjà vu cette scène où des millions de crabes rouges se dirigent vers le bord de mer pour pondre ? Et bien c’est un phénomène unique au monde, et c’est ici, à Christmas Island qu’il peut être observé entre octobre et décembre chaque année. Ils sont 50 millions de crabes rouges à vivre sur cette petite île, abrités une partie de l’année dans la forêt et les falaises. Quand la saison arrivent, toute la communauté, mâles et femelles, migrent vers les plages pour pondre leurs oeufs et s’immerger. Pendant un mois les oeufs se développent dans l’eau, beaucoup sont mangés par les prédateurs, mais vu la quantité il en reste suffisamment pour assurer la pérennité de l’espèce. Les petits crabes minuscules vont alors sortir pour faire leur vie à terre, mais toujours près des points d’eau pour ne pas se déshydrater.

Et le fameux crabe rouge, autre espèce emblématique de l’île !

Cette île australienne compte d’autres espèces endémiques et 70% de son territoire est un parc naturel… pour le reste les 1300 habitants ont une grande partie de leur activité tournée vers l’exploitation du phosphate. A ceux et celles qui suivent nos articles depuis longtemps, vous vous souviendrez notre enthousiasme lors de la découverte de l’île de Makatea, aux Tuamotu, où le phosphate a été exploité jusqu’en 1967.
Christmas Island n’est pas un atoll soulevé mais est constituée de la même roche et ressemble énormément à Makatea… Alors quand nous avons pris un coffre dans la baie de Flying Cove pour y découvrir des installations en état de marche qui correspondent exactement aux vestiges vu sur l’île polynésienne, nous avons eu l’impression de faire un voyage dans le temps.

Le mouillage, l’un des deux abris de l’île pour les voiliers, est au pied du terminal de phosphate…


Si les engins sont plus modernes, le cheminement de minerai dans des « toboggans » de tôles, les cylindres de stockage et les grues par lesquelles la matière est déversée dans le cargo ont rendu « vivant » ce que nous avaient décrit les amis de Makatea…
Le premier cargo qui est venu charger sa précieuse cargaison pendant notre séjour s’est trouvé en moins de de deux heures enveloppé d’une épaisse couche de poussière… (tout comme nous!). Difficile d’imaginer que ceux qui vivent ici ne respirent pas régulièrement toutes ces particules… Ce phosphate sert ensuite d’engrais aux palmeraies d’Indonésie, celles qui fournissent la fameuse huile de palme. Apparemment l’exploitation devrait cesser en 2036. Les locaux commencent à penser à leur reconversion.
Les habitants de Christmas sont majoritairement malais, chinois et australiens, dans la même rue, sur deux kilomètres, le promeneur passe ainsi devant la mosquée, un temple taoïste, une église et un temple hindou. Ils nous ont tous réservé un accueil très chaleureux, nous parlant volontiers de l’île et l’organisation de leur communauté. Beaucoup étaient venus pour quelques semaines… puis ce sont finalement installés là ! Au-delà du fait qu’ils trouvent apparemment du travail facilement, beaucoup ont vanté la bonne entente entre les habitants, quelle que soit leur origine, (et nous les croyons sur parole !) ainsi que la nature exceptionnelle.

Traversée de crabes des cocotiers (kaveu) et crabes rouges…

Sur la route principale, près de l’usine, un grand panneau précise quelles routes sont ouvertes en fonction de la migration des crabes, et si une route est trop encombrée par les crustacés, les automobilistes doivent sortir de leur véhicule et les faire sortir pour ne pas les écraser…
Un exemple rare où l’humain s’adapte à la faune locale ! Heureux crabes !
Les oiseaux aussi comptent plusieurs espèces endémiques, notamment le « Golden Bosum », qui est un paille-en-queue jaune, superbe, et aussi une frégate que l’on ne trouve qu’ici.

Celles et ceux qui connaissent Makatea seront saisis par la similitude des lieux…
Tomber dans le tombant…

L’île compte aussi de nombreuses grottes (comme à Makatea…) où la baignade est magique…
Il y a aussi des adeptes de la plongée et de l’apnée, n’ayant pas de lagon, l’île offre un récif frangeant qui tombe verticalement vers de grandes profondeurs. Les coraux y sont sublimes et les poissons nombreux… un régal.
A propos de grandes profondeurs, l’équipage de Vintage a dû se résoudre à faire route (car encore une fois on prolongerait bien notre séjour tant il semble facile ici de rencontrer les habitants!) pour la traversée de l’Océan Indien.

L’appel de l’Indien…

Cap vers l’île Maurice où nous avons rendez-vous pour le carénage… La bible des navigations au large, Jimmy Cornwell, évoque à plusieurs reprise la grande houle de l’Antarctique qui vient taquiner la route que nous nous apprêtons à faire… Diantre, ça promettait encore quelques séances de machine à laver ça. Mais les jours ont passés, accompagnés par des alizés relativement établis (15-25 noeuds et un ou deux jours de pétole)… et une houle relativement sage et ordonnée. J’ai cru qu’elle frapperait, fourbe et sournoise pour mettre à mal nos estomacs et nous faire travailler notre gainage comme le ferait un prof de pilates super énervé… mais non.
Est ce grâce à notre visite au temple taoïste de de Ma Chor Nui Nui ? Déesse protectrice des marins ?
Allez savoir !… En tout cas cette traversée a été très paisible, Vintage filant en moyenne à 8 noeuds sur une mer douce comme l’Atlantique.

Quelques voisins au départ… ici un bateau de pêche indonésien.

Et si les dix premiers jours nous avons été frappés par le manque d’animaux – y compris les oiseaux – et l’abondance du plastique au départ – désolée de saper l’ambiance, mais c’est une réalité !- de beaux évènements ont ponctués la navigation et notre rythme de quarts…
Les cieux, toujours aussi splendide, avec ces constellations que nous reconnaissons bien désormais de l’hémisphère sud : la croix du sud, le centaure, le loup, à notre bâbord, la grande ours à l’envers à notre tribord, Venus et mars qui nous font face et le scorpion qui veille…
Nous avons eu la chance d’avoir un quart illuminé une nuit par la tombée d’une météorite au milieu de ce joli monde…
Puis arrivés à quelques 700 milles de Rodrigues, un matin, deux rorquals communs dans le sillage du bateau, une mère et son petit qui sont restés un petit moment observant discrètement Vintage.
Majestueux et mystérieux.
L’horizon à perte de vue, encore et toujours, où le regard se perd dans le bleu indien… Après 17 jours de traversée, la silhouette de l’île Maurice s’est dévoilée, discrète, puis, la nuit l’enveloppant, illuminée de mille feux comme la promesse d’une nouvelle île, d’un nouveau pays, d’une nouvelle découverte…
La suite au prochain post !