Christmas Island et la traversée de l’Indien…

Journal de bord

Le Golden Bosum de Christmas Island…

Vintage vient de faire halte à l’île Maurice pour lui faire une beauté bien méritée après quelques 9000 milles depuis Tahiti. Retours sur la dernière escale, Christmas Island, et sur notre traversée de l’Océan Indien.

Christmas Island, quelques 250 milles au sud de Jakarta. Très honnêtement, avant de voir cette île sur notre parcours, je n’en avais jamais entendu parlé. Enfin si, peut être sans le savoir en visionnant quelques documentaires. Vous avez peut-être déjà vu cette scène où des millions de crabes rouges se dirigent vers le bord de mer pour pondre ? Et bien c’est un phénomène unique au monde, et c’est ici, à Christmas Island qu’il peut être observé entre octobre et décembre chaque année. Ils sont 50 millions de crabes rouges à vivre sur cette petite île, abrités une partie de l’année dans la forêt et les falaises. Quand la saison arrivent, toute la communauté, mâles et femelles, migrent vers les plages pour pondre leurs oeufs et s’immerger. Pendant un mois les oeufs se développent dans l’eau, beaucoup sont mangés par les prédateurs, mais vu la quantité il en reste suffisamment pour assurer la pérennité de l’espèce. Les petits crabes minuscules vont alors sortir pour faire leur vie à terre, mais toujours près des points d’eau pour ne pas se déshydrater.

Et le fameux crabe rouge, autre espèce emblématique de l’île !

Cette île australienne compte d’autres espèces endémiques et 70% de son territoire est un parc naturel… pour le reste les 1300 habitants ont une grande partie de leur activité tournée vers l’exploitation du phosphate. A ceux et celles qui suivent nos articles depuis longtemps, vous vous souviendrez notre enthousiasme lors de la découverte de l’île de Makatea, aux Tuamotu, où le phosphate a été exploité jusqu’en 1967.
Christmas Island n’est pas un atoll soulevé mais est constituée de la même roche et ressemble énormément à Makatea… Alors quand nous avons pris un coffre dans la baie de Flying Cove pour y découvrir des installations en état de marche qui correspondent exactement aux vestiges vu sur l’île polynésienne, nous avons eu l’impression de faire un voyage dans le temps.

Le mouillage, l’un des deux abris de l’île pour les voiliers, est au pied du terminal de phosphate…


Si les engins sont plus modernes, le cheminement de minerai dans des « toboggans » de tôles, les cylindres de stockage et les grues par lesquelles la matière est déversée dans le cargo ont rendu « vivant » ce que nous avaient décrit les amis de Makatea…
Le premier cargo qui est venu charger sa précieuse cargaison pendant notre séjour s’est trouvé en moins de de deux heures enveloppé d’une épaisse couche de poussière… (tout comme nous!). Difficile d’imaginer que ceux qui vivent ici ne respirent pas régulièrement toutes ces particules… Ce phosphate sert ensuite d’engrais aux palmeraies d’Indonésie, celles qui fournissent la fameuse huile de palme. Apparemment l’exploitation devrait cesser en 2036. Les locaux commencent à penser à leur reconversion.
Les habitants de Christmas sont majoritairement malais, chinois et australiens, dans la même rue, sur deux kilomètres, le promeneur passe ainsi devant la mosquée, un temple taoïste, une église et un temple hindou. Ils nous ont tous réservé un accueil très chaleureux, nous parlant volontiers de l’île et l’organisation de leur communauté. Beaucoup étaient venus pour quelques semaines… puis ce sont finalement installés là ! Au-delà du fait qu’ils trouvent apparemment du travail facilement, beaucoup ont vanté la bonne entente entre les habitants, quelle que soit leur origine, (et nous les croyons sur parole !) ainsi que la nature exceptionnelle.

Traversée de crabes des cocotiers (kaveu) et crabes rouges…

Sur la route principale, près de l’usine, un grand panneau précise quelles routes sont ouvertes en fonction de la migration des crabes, et si une route est trop encombrée par les crustacés, les automobilistes doivent sortir de leur véhicule et les faire sortir pour ne pas les écraser…
Un exemple rare où l’humain s’adapte à la faune locale ! Heureux crabes !
Les oiseaux aussi comptent plusieurs espèces endémiques, notamment le « Golden Bosum », qui est un paille-en-queue jaune, superbe, et aussi une frégate que l’on ne trouve qu’ici.

Celles et ceux qui connaissent Makatea seront saisis par la similitude des lieux…
Tomber dans le tombant…

L’île compte aussi de nombreuses grottes (comme à Makatea…) où la baignade est magique…
Il y a aussi des adeptes de la plongée et de l’apnée, n’ayant pas de lagon, l’île offre un récif frangeant qui tombe verticalement vers de grandes profondeurs. Les coraux y sont sublimes et les poissons nombreux… un régal.
A propos de grandes profondeurs, l’équipage de Vintage a dû se résoudre à faire route (car encore une fois on prolongerait bien notre séjour tant il semble facile ici de rencontrer les habitants!) pour la traversée de l’Océan Indien.

L’appel de l’Indien…

Cap vers l’île Maurice où nous avons rendez-vous pour le carénage… La bible des navigations au large, Jimmy Cornwell, évoque à plusieurs reprise la grande houle de l’Antarctique qui vient taquiner la route que nous nous apprêtons à faire… Diantre, ça promettait encore quelques séances de machine à laver ça. Mais les jours ont passés, accompagnés par des alizés relativement établis (15-25 noeuds et un ou deux jours de pétole)… et une houle relativement sage et ordonnée. J’ai cru qu’elle frapperait, fourbe et sournoise pour mettre à mal nos estomacs et nous faire travailler notre gainage comme le ferait un prof de pilates super énervé… mais non.
Est ce grâce à notre visite au temple taoïste de de Ma Chor Nui Nui ? Déesse protectrice des marins ?
Allez savoir !… En tout cas cette traversée a été très paisible, Vintage filant en moyenne à 8 noeuds sur une mer douce comme l’Atlantique.

Quelques voisins au départ… ici un bateau de pêche indonésien.

Et si les dix premiers jours nous avons été frappés par le manque d’animaux – y compris les oiseaux – et l’abondance du plastique au départ – désolée de saper l’ambiance, mais c’est une réalité !- de beaux évènements ont ponctués la navigation et notre rythme de quarts…
Les cieux, toujours aussi splendide, avec ces constellations que nous reconnaissons bien désormais de l’hémisphère sud : la croix du sud, le centaure, le loup, à notre bâbord, la grande ours à l’envers à notre tribord, Venus et mars qui nous font face et le scorpion qui veille…
Nous avons eu la chance d’avoir un quart illuminé une nuit par la tombée d’une météorite au milieu de ce joli monde…
Puis arrivés à quelques 700 milles de Rodrigues, un matin, deux rorquals communs dans le sillage du bateau, une mère et son petit qui sont restés un petit moment observant discrètement Vintage.
Majestueux et mystérieux.
L’horizon à perte de vue, encore et toujours, où le regard se perd dans le bleu indien… Après 17 jours de traversée, la silhouette de l’île Maurice s’est dévoilée, discrète, puis, la nuit l’enveloppant, illuminée de mille feux comme la promesse d’une nouvelle île, d’un nouveau pays, d’une nouvelle découverte…
La suite au prochain post !

Echappée australienne

Journal de bord

Après une halte dans le Territoire Nord de l’Australie, à Darwin, puis à l’Ashmore Reef, les vents nous ont menés directement à Christmas Island, 900 milles plus loin.
Si les Vanuatu nous ont marqués par la rencontre avec ses habitants, lors de cette étape à Darwin, c’est la faune – si exotique à nos yeux ! – qui nous a éberlués…

Wallabies !!!

L’escale de Vintage s’annonçait courte et dense, et nous avions un objectif, voir des wallabies. Les douaniers nous ont indiqués la « East Point », une réserve naturelle à l’entrée de la ville où nous avions une chance de les voir au coucher du soleil. Le soir même voilà l’équipage au complet scrutant à chaque détour de buisson l’animal, chuchotant, se camouflant… La lumière déclinait sérieusement et toujours rien… Et puis tout à coup, là à 100mètres des joggers et d’une route bitumée, sur une clairière, ils étaient là, les oreilles dressées, une bonne dizaine… et l’air très surpris que nous nous intéressions à eux ! (Ah Joey, ça doit être des touristes…)
Alors d’accord, pour un local le wallabie est aussi exotique qu’un chat, mais je vous assure que quand vous n’en avez jamais vu, il y a de quoi bondir de joie ! Regard de biche, attitude de suricate et sauts de poupouille, ils sont très drôles.

Sunset…


Et puis, au cas où nous perdions le Nord à force de vagabonder sur les mers, c’est la preuve que nous étions bien en Australie. Devant ce succès et un sublime sunset – nous n’avions aucune envie de nous en tenir à cette première rencontre.
A trois heures de route de Darwin, se trouve le Kakadu National Park. Une immense zone protégée où rivières, zones humides, et forêts abrite des centaines d’oiseaux, mammifères, reptiles, insectes etc. Sur place, il n’y a plus qu’à ouvrir grands les yeux et les oreilles. Et le festival commence : vols de cacatoès, d’oies, wallabies, varans, flying foxes, crocodiles…

Grappes de Flying foxes (roussettes)…


T’as de beaux yeux tu sais…
…oui, toi aussi !!

Regardez bien, j’suis caché près de ma maman…

Les sentiers à arpenter sont souvent introduits par des panneaux qui incitent à la prudence : crocodiles et buffles sont dans la zone, restez sur vos gardes… Il faudrait plusieurs semaines sur place pour prétendre à avoir découvert l’âme de ces lieux et un tiers de ses occupants à poils, à plumes ou à écailles… Mais quelle émotion encore une fois de pouvoir observer ces animaux que l’on avait pour la plupart d’entre nous jamais vu.

La zone humide du Kakadu vu d’Ubirr
Tortue à long cou…
Barramundi (poisson local)
Wallabie et portrait des premiers européens

Mais parlons aussi des humains qui vivent ici… Le Kakadu abrite plusieurs sites d’art rupestres. Nous en avons profité pour aller sur celui d’Ubirr. En déambulant entre les chaos de roches, on peut voir ici des peintures aborigènes qui datent de 500 ans à 6000 ans. La plupart, représentent des légendes aborigènes ou des scènes de chasse ou pêche, et les plus récentes les premiers européens qui sont arrivés en Australie. Une bande dessinée historique que nous essayons de décoder… Traditionnellement ce sont les aborigènes qui entretiennent les peintures, gardiens de la mémoire de leur peuple. Ce sont aussi leurs différentes communautés locales qui sont en partie gestionnaires du parc et de son entretien, et beaucoup sont rangers ici.
Ainsi nous avons vu de nombreux feux. Au début inquiets, persuadés qu’un pan de la forêt (très sèche!) allait brûler, mais pas du tout c’est un savoir-faire ancestral pour gérer l’entretien et le renouveau de la forêt et des sols, pratiqué avec des règles très précises.

De retour à Darwin quelques jours plus tard, la tête pleine de ces paysages et faune incroyable, nous retrouvons la ville où les descendants de colons côtoient les descendants de ceux qui ont ornés les grottes il y a quelques milliers d’années… notre escale est bien trop courte et sur un périmètre équivalent à un timbre poste à l’échelle de l’Australie pour généraliser. Ceci étant, il est difficile d’ignorer, même en quelques jours, que beaucoup des « natives » comme on les appelle rencontrés en ville sont à la dérive, et que les inégalités sont très frappantes.
Pourtant, en sillonnant les rues, il y a aussi toutes ces galeries d’art aborigène, remplies de toiles signées par les artistes locaux, que l’on voit oeuvrer en direct avec patience et minutie. Les pointillés dessinent peu à peu leur songline, des oeuvres splendides. Minorité ? Réalité ? Rêve ?
Quel est l’équilibre de ce peuple aujourd’hui ? Notre regard nous trompe t-il ?
Encore des questions en suspens qui s’amoncellent au fur et à mesure de notre périple.

Un dernier coucher de soleil incendie le ciel, décidément sublime, et nous devons déjà faire route ! Vintage a quitté la baie, avec du vent et une mer calme, sans houle croisée, comme quoi, c’est possible ! Nous passons la mer du Timor, puis la frontière invisible de l’Océan Indien…

Ashmore reef

Une pause à Ashmore reef pour attendre le vent. Vous voyez nulle part ? Et bien c’est là. Une superbe réserve marine qui une nouvelle fois nous enchante. Nous ne débarquons pas sur le petit îlot de sable qui émerge du reef, déjà occupé par quelques milliers d’habitants…Sternes, frégates, fous dont on ne connaît pas le nom, pailles en queue, puffins, ils sont très nombreux et nous ne voulons pas les déranger. Alors, ce sont eux qui viennent nous voir et nous montrent leurs plus beaux profils.

Et puis bien sûr difficile de résister à une petite escapade sous-marine… La traversée qui nous mène du mouillage au récif se fait en eaux troubles et les grenouilles de la bande ne sont pas fières. Lors d’une première immersion l’une d’elle avait cru voir un « autobus »… comprendre un requin marteau impressionnant (d’accord, une grosse moto, pas un bus). L’imagination ne faisant pas défaut dans ce genre de contexte les autres grenouilles ont répondu un vague « oui oui », et néanmoins impressionnées, personne n’a traîné. Les demies journées suivantes ont été consacrées à de la nage sportive (on trace sur 200mètres et là ont est sur les patates, ouf), et de la prise de vue sous marine.
Jusqu’au soir où, Eole se manifestant, nous nous préparions à appareiller à l’aube. Et d’un coup : « Lààà!! Vite!! Montez !!»…
Deux beaux requins marteaux chassaient une raie qui s’est abritée sous la coque de Vintage, laquelle, à priori, s’en est sortie.
Les grenouilles furent ravie de les voir depuis le pont, et non depuis le fond, parce que bon même pas peur, il n’y a pas de raison, mais bon un peu quand même.
Bref, c’était le clou du spectacle !

Quelques 900 milles plus tard, et une mer toujours aussi clémente – et donc une scribe heureuse -nous jetons l’ancre à Christmas Island… confetti australien à l’entrée de l’Océan Indien.

Vanuatu, Sirènes et Torrès…

Journal de bord
Arrivée de nuit dans un mouillage des Vanuatu… l’île est éclairée par la pleine lune…

En convoyage les escales sont relativement courtes… mais nul besoin de côtoyer un lieu des années pour avoir un coup de coeur. Les Vanuatu nous ont enchanté… et nous ont même offert une rencontre avec les sirènes.

Il y a d’abord ces sourires. Dès les premiers pas dans les rues de Port Vila, qui est pourtant une capitale de pays pauvre, victime de cyclones chaque année, et ayant plus le profil type d’un port destiné à accueillir des cargos que des paquebots de croisière, difficile de ne pas être sensible à tous ces gens qui nous saluent et échangent quelques mots.
« Ca fait plaisir de revoir des voiliers, entre la covid et les cyclones, on ne voit plus grand monde ».
Même aux douanes nous avons eu un accueil chaleureux.

Une fois les formalités d’entrée dans le pays réalisées, nous sommes montés vers le Nord, de l’île de Efate jusqu’à Santo, jetant l’ancre au hasard des abris potentiels repérés sur la carte.

Exploration du village après avoir rencontré le chef…
Une des nombreuses rencontres, ces dames préparent le repas de la fête à venir, les 70 ans du mari de l’une d’elles. Au menu : tarot, igname, et cochon grillé !

Avant d’arriver aux Vanuatu, on nous avait parlé de la « coutume » (celle décrite aux Fiji dans le billet précédent). Nous voilà donc au mouillage au pied d’un village, embarqué avec notre paddle et du kava pour aller trouver le chef du village.
Après quelques pas, un homme nous accueille gentiment, on lui demande s’il est possible de faire quelques pas près des maisons et dans la forêt alentour. Il est entouré par sa famille, quelques femmes, jeunes et moins jeunes, qui confectionnent des paniers en pandanus, un groupe d’enfants, dont les petits nous fixent avec de grands yeux, et ses fils. Il nous fait patienter et revient avec un registre des bateaux qui sont passés là depuis 2005 et tient à ce qu’on lui mette un petit mot. On discute un moment et nous lui proposons notre kava des Fiji… il se marre en nous disant que celui là n’est vraiment pas fort, qu’ici aux Vanuatu ils en prennent du plus corsé. Il nous guide un peu à travers le village et fini par s’excuser de n’avoir plus de fruits à nous donner… Gênés nous le rassurons en lui disant que nous n’avons besoin de rien, difficile de ne pas penser que c’est le monde à l’envers ! Il nous explique qu’ici les enfants vont soit à l’école française, à droite, soit à l’école anglaise, à gauche. Vestige d’une époque où français et anglais n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur qui aurait la main mise sur les Vanuatu. Aujourd’hui c’est un pays indépendant, dont la langue est le bislama et où la plupart parlent aussi majoritairement l’anglais.

Pendant que sa maman pêche…
Soana, huit ans, vide le poisson avec agilité…

Un peu plus loin nous croisons des militaires en mission pour aider à la reconstruction des maisons détruites suite au dernier cyclone, en mars dernier, catégorie 4. Ils sont logés dans un abri anticyclonique qui peut accueillir 300 personnes mais nous expliquent que les habitants des hameaux alentours – qui étaient censés s’y rendre pendant le phénomène – vivent sur un territoire qui s’étend sur plus de 40km… Quand les budgets seront là, ils feront de plus petits abris, mais mieux répartis.

Puis c’est au tour de Willy de se présenter. Beau-frère du chef, il insiste pour nous amener chez lui car il a trop de pamplemousses et ne veut pas qu’ils se perdent. Nous voici le suivant jusque sa maison, de tôle et de palmes. Nous partageons de l’eau de coco fraiche et sympathisons. Rendez-vous est pris le lendemain pour aller voir les sirènes…Oui, les sirènes…

Les Vanuatu sont l’un des endroits où, avec un peu de chance, on peut observer des dugongs. Vous savez, ces mammifères marins qui seraient à l’origine de la légende des sirènes… A distance, on les a longtemps pris pour des femmes à queues de poisson…
Nous sommes donc partis en quête des dugongs derrière le récif, mais rentrerons bredouilles. En revanche, la rencontre avec Willy était un très beau moment, chacun étant curieux de l’autre. Deux mondes qui se croisent.

Chaque étape a été l’occasion de rencontres similaires : notre équipage questionnant et étant questionné en retour par les personnes rencontrées, bref, la magie du voyage. Difficile à chaque fois de reprendre la route si vite !

Une femelle dugong et son petit

Et puis il y a eu un dernier mouillage. Et là, d’un coup on l’a vu. Une sirène… enfin, un dugong !Une caudale similaire à celle d’un dauphin, un corps massif, deux grandes nageoires et un museau qui dépasse légèrement à chaque nouvelle respiration.

Toutes nos paires d’yeux (soit dix yeux au total) se sont alors rivées sur le plan d’eau, guettant le moindre autre animal. Et nous avons été gâtés. Vintage s’est retrouvé entouré d’un troupeau d’une quinzaine de dugongs. L’eau turbide ne permettant pas de les approcher sous l’eau, nous sommes montés tour à tour dans le mât, conscients du privilège que nous avions d’observer ces animaux. Pendant plusieurs heures, ils ont nagés dans la baie sous nos regards étonnés et curieux.

Ce mammifère marin de la taille d’un grand dauphin est considéré comme une espèce fortement menacée. Il est présent aux Vanuatu, en Nouvelle-Calédonie, en Australie et jusque sur les côtes Est africaines. Mais à part en Australie où il semble se porter relativement bien, ses populations sont sous hautes surveillances dans les autres zones.
Et pour cause. Placide, il a été chassé à outrance pour sa viande et est encore victime de braconnage. La destruction de ses habitats contribue à grandement le fragiliser : il vit dans les zones côtières qui subissent de fortes pressions où il se nourri d’herbiers marins.

Quelques jours plus tard, alors que nous sommes au large, en route vers l’Australie, je repense à cet archipel. Il y avait encore beaucoup à découvrir : les deux volcans actifs, les îles du Nord, les villages plus reculés, mille autres rencontres… Et puis des questions, à quelques encablures de la Nouvelle Calédonie, la vie est ici très différente, la misère parfois palpable.
Et cet accueil partout, surréaliste. C’était notre dernière escale Pacifique du périple…

Puis vint la navigation… retour au concret : des vents établis à 25/30 noeuds, le bateau qui file à 9 noeuds… et de la houle qui nous brasse encore et encore ! On est donc secoués, mais on avance vite et à la voile, c’est déjà ça !
Ici point de sirènes, si ce n’est la plainte lancinante parfois de votre dévouée scribe qui ne peut porter la plume à l’encrier ni même la main au clavier dans tout ce capharnaüm….
Je le reprends aujourd’hui alors que nous sommes dans la mer d’Arafura, au Nord de l’Australie, à 24h de notre arrivée à Darwin après 2500 milles et 14 jours de mer musclée…

Nous retrouvons une mer calme dans le détroit de Torrès…
…et quelques voisins !

Les fins géographes noteront qu’entre les Vanuatu et Darwin, il y a le détroit de Torres a la réputation sulfureuse. Alors effectivement, respect aux anciens, car sans GPS ni cartes de navigations, l’entrée dans la grande barrière de corail et le passage du détroit devaient être hautement périlleux ! Quant à nous, nous avons eu des conditions optimales pour le franchir : pas de houle une fois à l’abri de la barrière, les courants dans le bon sens, et un grand soleil… Enfin, on ne bougeait plus dans tous les sens.

La couleur de l’eau nous a frappé, un vert d’eau-turquoise, témoignant probablement d’une eau assez chargée en sables. Un vol d’oiseaux migrateurs sur la mer, que l’on a pas pu identifié, et la terre visible… Terre! Terre! Australie, nous voilà !!!

Bon, enfin, presque. Reste encore 700 milles pour atteindre Darwin, notre port d’entrée… Et voilà que l’eau fonce de nouveau, et que le programme brassage se remet en route. Avec une variante. Un filet de pêche dérivante indonésien, vraisemblablement illégal a essayé de piéger Vintage… mais grâce à la réactivité d’un équipage qui a réagit comme un seul (sauf quelqu’unes qui dormaient à points fermés), le filet fut vaincu après une lutte acharnée, et le Vintage libéré. Ouf.
Avec tout ça ils ont même pas ramené un poisson. Tu parles d’un exploit…!

Mais, que vois-je au loin ? Oui, cette fois-ci c’est la bonne !!

Terre, terre !!!