Catégorie : Journal de bord

Vanuatu, Sirènes et Torrès…

Journal de bord
Arrivée de nuit dans un mouillage des Vanuatu… l’île est éclairée par la pleine lune…

En convoyage les escales sont relativement courtes… mais nul besoin de côtoyer un lieu des années pour avoir un coup de coeur. Les Vanuatu nous ont enchanté… et nous ont même offert une rencontre avec les sirènes.

Il y a d’abord ces sourires. Dès les premiers pas dans les rues de Port Vila, qui est pourtant une capitale de pays pauvre, victime de cyclones chaque année, et ayant plus le profil type d’un port destiné à accueillir des cargos que des paquebots de croisière, difficile de ne pas être sensible à tous ces gens qui nous saluent et échangent quelques mots.
« Ca fait plaisir de revoir des voiliers, entre la covid et les cyclones, on ne voit plus grand monde ».
Même aux douanes nous avons eu un accueil chaleureux.

Une fois les formalités d’entrée dans le pays réalisées, nous sommes montés vers le Nord, de l’île de Efate jusqu’à Santo, jetant l’ancre au hasard des abris potentiels repérés sur la carte.

Exploration du village après avoir rencontré le chef…
Une des nombreuses rencontres, ces dames préparent le repas de la fête à venir, les 70 ans du mari de l’une d’elles. Au menu : tarot, igname, et cochon grillé !

Avant d’arriver aux Vanuatu, on nous avait parlé de la « coutume » (celle décrite aux Fiji dans le billet précédent). Nous voilà donc au mouillage au pied d’un village, embarqué avec notre paddle et du kava pour aller trouver le chef du village.
Après quelques pas, un homme nous accueille gentiment, on lui demande s’il est possible de faire quelques pas près des maisons et dans la forêt alentour. Il est entouré par sa famille, quelques femmes, jeunes et moins jeunes, qui confectionnent des paniers en pandanus, un groupe d’enfants, dont les petits nous fixent avec de grands yeux, et ses fils. Il nous fait patienter et revient avec un registre des bateaux qui sont passés là depuis 2005 et tient à ce qu’on lui mette un petit mot. On discute un moment et nous lui proposons notre kava des Fiji… il se marre en nous disant que celui là n’est vraiment pas fort, qu’ici aux Vanuatu ils en prennent du plus corsé. Il nous guide un peu à travers le village et fini par s’excuser de n’avoir plus de fruits à nous donner… Gênés nous le rassurons en lui disant que nous n’avons besoin de rien, difficile de ne pas penser que c’est le monde à l’envers ! Il nous explique qu’ici les enfants vont soit à l’école française, à droite, soit à l’école anglaise, à gauche. Vestige d’une époque où français et anglais n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur qui aurait la main mise sur les Vanuatu. Aujourd’hui c’est un pays indépendant, dont la langue est le bislama et où la plupart parlent aussi majoritairement l’anglais.

Pendant que sa maman pêche…
Soana, huit ans, vide le poisson avec agilité…

Un peu plus loin nous croisons des militaires en mission pour aider à la reconstruction des maisons détruites suite au dernier cyclone, en mars dernier, catégorie 4. Ils sont logés dans un abri anticyclonique qui peut accueillir 300 personnes mais nous expliquent que les habitants des hameaux alentours – qui étaient censés s’y rendre pendant le phénomène – vivent sur un territoire qui s’étend sur plus de 40km… Quand les budgets seront là, ils feront de plus petits abris, mais mieux répartis.

Puis c’est au tour de Willy de se présenter. Beau-frère du chef, il insiste pour nous amener chez lui car il a trop de pamplemousses et ne veut pas qu’ils se perdent. Nous voici le suivant jusque sa maison, de tôle et de palmes. Nous partageons de l’eau de coco fraiche et sympathisons. Rendez-vous est pris le lendemain pour aller voir les sirènes…Oui, les sirènes…

Les Vanuatu sont l’un des endroits où, avec un peu de chance, on peut observer des dugongs. Vous savez, ces mammifères marins qui seraient à l’origine de la légende des sirènes… A distance, on les a longtemps pris pour des femmes à queues de poisson…
Nous sommes donc partis en quête des dugongs derrière le récif, mais rentrerons bredouilles. En revanche, la rencontre avec Willy était un très beau moment, chacun étant curieux de l’autre. Deux mondes qui se croisent.

Chaque étape a été l’occasion de rencontres similaires : notre équipage questionnant et étant questionné en retour par les personnes rencontrées, bref, la magie du voyage. Difficile à chaque fois de reprendre la route si vite !

Une femelle dugong et son petit

Et puis il y a eu un dernier mouillage. Et là, d’un coup on l’a vu. Une sirène… enfin, un dugong !Une caudale similaire à celle d’un dauphin, un corps massif, deux grandes nageoires et un museau qui dépasse légèrement à chaque nouvelle respiration.

Toutes nos paires d’yeux (soit dix yeux au total) se sont alors rivées sur le plan d’eau, guettant le moindre autre animal. Et nous avons été gâtés. Vintage s’est retrouvé entouré d’un troupeau d’une quinzaine de dugongs. L’eau turbide ne permettant pas de les approcher sous l’eau, nous sommes montés tour à tour dans le mât, conscients du privilège que nous avions d’observer ces animaux. Pendant plusieurs heures, ils ont nagés dans la baie sous nos regards étonnés et curieux.

Ce mammifère marin de la taille d’un grand dauphin est considéré comme une espèce fortement menacée. Il est présent aux Vanuatu, en Nouvelle-Calédonie, en Australie et jusque sur les côtes Est africaines. Mais à part en Australie où il semble se porter relativement bien, ses populations sont sous hautes surveillances dans les autres zones.
Et pour cause. Placide, il a été chassé à outrance pour sa viande et est encore victime de braconnage. La destruction de ses habitats contribue à grandement le fragiliser : il vit dans les zones côtières qui subissent de fortes pressions où il se nourri d’herbiers marins.

Quelques jours plus tard, alors que nous sommes au large, en route vers l’Australie, je repense à cet archipel. Il y avait encore beaucoup à découvrir : les deux volcans actifs, les îles du Nord, les villages plus reculés, mille autres rencontres… Et puis des questions, à quelques encablures de la Nouvelle Calédonie, la vie est ici très différente, la misère parfois palpable.
Et cet accueil partout, surréaliste. C’était notre dernière escale Pacifique du périple…

Puis vint la navigation… retour au concret : des vents établis à 25/30 noeuds, le bateau qui file à 9 noeuds… et de la houle qui nous brasse encore et encore ! On est donc secoués, mais on avance vite et à la voile, c’est déjà ça !
Ici point de sirènes, si ce n’est la plainte lancinante parfois de votre dévouée scribe qui ne peut porter la plume à l’encrier ni même la main au clavier dans tout ce capharnaüm….
Je le reprends aujourd’hui alors que nous sommes dans la mer d’Arafura, au Nord de l’Australie, à 24h de notre arrivée à Darwin après 2500 milles et 14 jours de mer musclée…

Nous retrouvons une mer calme dans le détroit de Torrès…
…et quelques voisins !

Les fins géographes noteront qu’entre les Vanuatu et Darwin, il y a le détroit de Torres a la réputation sulfureuse. Alors effectivement, respect aux anciens, car sans GPS ni cartes de navigations, l’entrée dans la grande barrière de corail et le passage du détroit devaient être hautement périlleux ! Quant à nous, nous avons eu des conditions optimales pour le franchir : pas de houle une fois à l’abri de la barrière, les courants dans le bon sens, et un grand soleil… Enfin, on ne bougeait plus dans tous les sens.

La couleur de l’eau nous a frappé, un vert d’eau-turquoise, témoignant probablement d’une eau assez chargée en sables. Un vol d’oiseaux migrateurs sur la mer, que l’on a pas pu identifié, et la terre visible… Terre! Terre! Australie, nous voilà !!!

Bon, enfin, presque. Reste encore 700 milles pour atteindre Darwin, notre port d’entrée… Et voilà que l’eau fonce de nouveau, et que le programme brassage se remet en route. Avec une variante. Un filet de pêche dérivante indonésien, vraisemblablement illégal a essayé de piéger Vintage… mais grâce à la réactivité d’un équipage qui a réagit comme un seul (sauf quelqu’unes qui dormaient à points fermés), le filet fut vaincu après une lutte acharnée, et le Vintage libéré. Ouf.
Avec tout ça ils ont même pas ramené un poisson. Tu parles d’un exploit…!

Mais, que vois-je au loin ? Oui, cette fois-ci c’est la bonne !!

Terre, terre !!!

Suite Pacifique…

Journal de bord
Un volcan des Tongas à l’avant tribord !

Il y a quelques mois nous vous annoncions la mise en vente de Kanaga, ce qui est d’ailleurs toujours d’actualité, avis aux amateurs, l’annonce est par ici !
En attendant, nous voici embarqués depuis début mars à bord d’un yacht classique pour une nouvelle aventure qui durera quelques mois et qui nous permettra de boucler la boucle… Alors difficile de résister à l’idée de reprendre la plume à cette occasion…

La nouvelle est tombée quelques jours à peine après avoir décidé de vendre Kanaga. Les propriétaires d’un yacht classique de 27m cherchaient un équipage pour convoyer leur bateau de Tahiti à la Méditerranée… Ça ne pouvait pas mieux tomber !
Nous voici donc à bord du Vintage 1 depuis deux mois pour le mener de l’autre côté de la planète via le Pacifique Ouest.

Nous avons quitté Raiatea fin mars… et nous voici aux Vanuatu ! La première traversée entre Raiatea et les îles Fiji a duré 14 jours. Etant à la fin de la saison cyclonique, les vents sont paradoxalement très (trop) faibles… et la mer bien rangée. On ne le dira pas trop fort, mais naviguer sur le Pacifique sans cette houle croisée qui vous retourne l’estomac et les tongues en dix minutes est très très agréable. Alors oui, certes, Eole manque un peu mais le temps d’une traversée on a enfin l’illusion que le Pacifique mérite son patronyme…

Nous avons donc retrouvé les gestes familiers, apprivoisant jour après jour ce nouveau voilier. La traversée a permis de relancer de grands débats :
« Et toi, tu le vois comment le bleu de l’océan : indigo ? marine ? outremer ? émeraude ? gris ? rouge ? (ah, ça c’est pour les daltoniens) » ;
De nous livrer à des études de vulcanologie en longeant un volcan qui correspondait exactement à ce que l’on dessinait gamins…
D’étudier de nouveaux les constellations du Pacifique sud : la croix du sud, le scorpion, Orion, les gémeaux et de compter le nombre de nouveaux satellites. Les nuits aux large restent magiques…
Et puis, comme des satellites à la science fiction il n’y a qu’un pas, nous nous sommes offerts un voyage vers le futur, non pas parce que Vintage a dépassé la vitesse de la lumière -quoique- , mais parce que nous avons franchi la ligne (invisible) du changement de date. Nous sommes passés de 180° de longitude Ouest, à 180° de longitude Est. Et donc de la date du 10 avril, 23h heure tahitienne, au 11 avril, 21h, heure fijienne. Désormais, le Pacifique nous doit donc 22h de notre vie. Fichtre !

Bref, après ces évènements, une brève escale aux Fiji était bienvenue (je rappelle que nous sommes en convoyage et qu’il nous faut donc garder le rythme pour mener à bien notre mission.) Cette étape a été l’occasion de mesurer que oui, nous avions bien changé de pays. La ville de Nadi où nous étions est très cosmopolite et métissée. Hindous, musulmans et catholiques vaquent à leur occupations, rendant le spectacle de la déambulation des uns et des autres assez passionnant. Chaque regard capté est l’occasion d’un grand sourire et d’un « Bula bula » enthousiaste. Le bonjour local. Près de la ville, une marina très « chic », avec son lot de bars et restaurants, où de nombreux vacanciers néo-zélandais, australiens et japonais viennent se détendre. Les deux grandes îles fidjiennes (Viti Levu et Vanua Levu), sont quand même bordées d’une multitude d’ilots qui appellent à l’exploration. Les cinéphiles peuvent même poser le pied sur l’île de Monuriki où Tom Hanks a joué le rôle d’un naufragé (« Seul au monde »).

Vintage au mouillage…
Un petit grain et hop, une cascade !

Si nous n’avons pu aller dans les moindres recoins, celle que nous avons choisi fut déjà une belle expérience. À peine débarqués, nous avons demandé au premier villageois rencontré comment se passait la fameuse « coutume ». Il nous a donc mené vers un vendeur de kava, racines locales consommées sous forme de tisane… qui peuvent avoir un effet assez puissant suivant les archipels. Une fois équipés de quelques paquets, nous sommes allés voir le chef du village, qui a fait la cérémonie du « Sevu sevu » qui a consisté à quelques incantations et de grands mercis. Nous avions l’autorisation de circuler alors librement dans le petit hameau. Plus question de métissage ici, mais une communauté mélanésienne, avec encore une fois des gens très souriants et accueillants.

Futurs matelas…
Case traditionnelle…
…plus récente…
Les racines de kava

Nous nous immergeons donc quelques heures dans cette ambiance différente et observons, ici les roseaux qui sèchent pour la fabrication des futurs matelas, là, les enfants qui prennent la barque scolaire (et non le bus) qui les ramène chez eux, les habitats traditionnels, ou parfois très précaires, et le « faux-chef » qui fait une cérémonie de Sevu-Sevu pour un charter de catamarans. Il est vrai que le vieil homme que nous avons rencontré était mutilé et ne pouvait se déplacer…Nous partageons des cocos fraîches avec quelques habitants et il est déjà temps de rentrer à bord. Nous terminons par une immersion sur un tombant de coraux magnifiques avant de reprendre la mer vers… les Vanuatu !

La suite au prochain épisode, contente de vous retrouver !

Se plonger dans l’observation du corail…
…et de ceux qui en dépendent !

Changement de cap et mise en vente de Kanaga

Journal de bord

Voilà quelques mois que nous n’avons pas donné de nouvelles fraîches.
La vie en mer recèle son lot d’imprévus, et Kanaga et son équipage changent de cap : trop de galères covidesques, techniques, météo, administratives etc.
 Bref, il faut parfois savoir lâcher prise !

Difficile de prendre la plume pour faire cette annonce après tous ces moments de vie partagés à bord de Kanaga. Nous le mettons en vente.
https://www.raiatea-yacht.com/index.php?page=NewArcherIII_1981

Il semble que tous les signes se soient alignés pour nous dire de ne pas faire route vers la Patagonie. Difficulté à constituer un équipage, pas de fenêtre météo, complexités administratives.
Au-delà de notre grande déception, c’est surtout le constat que depuis quelques années, la galère prend le pas sur l’aventure.

Mais ! Forts de ces six années vécues avec vous à bord de notre beau viking, tout est possible. Les rencontres faites à bord et à terre, et la route parcourue sont belles et bien là, tatouées si j’ose écrire, faisant intégralement partie de notre histoire personnelle et de celle du bateau.

Kanaga a désormais à son actif une grande expérience de navigation. Nous décidons de prendre d’autres directions et de laisser la barre, mais c’est un bateau robuste, marin, qui a largement fait ses preuves et dont l’histoire n’est pas finie… 
Place aux suivants !

En tant que scribe, je tiens à vous écrire que partager une bafouille mensuelle avec vous me manquera. Ces billets ont été un rendez-vous qui à chaque fois avait la saveur d’un café partagé, permettant de faire découvrir à l’ami des bribes de ce chemin de vie un peu « à l’écart ».

Ceci étant, si ça vous intéresse, des écrits devraient suivre, sous d’autres formes. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant dans un premier temps via le site de Kanaga qui reste actif.

Je terminerai avec une touche de légèreté par la phrase du Sage Kipousspouss :
« Tant que l’on avance, on ne recule pas… » (merci tonton !)

… that’s all folks !

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