Le dessous des atolls, Episode 2

Journal de bord
Oui, certes, c’est cliché mais c’est tellement beau…

Kanaga sillonne toujours la commune de Fakarava. Au programme : des cocotiers, des motu, du corail, des poissons, de l’eau cristalline… et on ne s’en lasse pas ! C’est l’occasion de parfaire nos compétences d’apnéistes avec les équipiers du moment…

Nous voilà sur la plage, faisant des exercices de respiration. Enfin, plutôt de non- respiration. Le premier qui devient rouge écarlate et tombe par terre a perdu. Nan… c’est un peu plus subtil que ça. Il paraît que tout un chacun est capable de tenir entre 2 minutes 30 et 3 minutes en apnée.

Il faut commencer par être le plus détendu possible (choisir donc de préférence une plage sans moustiques) ;
Puis quand le top est donné, on bloque tout en prenant une grande inspiration et en imaginant chaque alvéole pulmonaire remplie d’air. Puis on tient. Certaines sensations physiques relativement désagréables type spasmes du diaphragme peuvent arriver… pas de panique c’est un réflexe naturel de l’organisme. Quand on débute c’est un des signes important à écouter annonçant qu’il ne faut pas tarder à reprendre de l’air…

Sur la plage c’est simple.

Passons aux choses sérieuses…
Et on prend même le temps de faire une pose !

Sous l’eau, la règle de base est de ne pas chercher à faire d’exploit, mais bien d’être à l’écoute des sensations et de son corps…pour garder « de la marge » lors de la remontée vers la surface. Eviter de jouer les Umberto Pelizzari ou Guillaume Nery seuls, est un des autres essentiels. Trouver un co-équipier-ère pour vous rappeler qu’il est interdit de rester avec les sirènes en bas.

Parés ? Bon, on chausse les palmes, le masque, la combinaison (l’eau est plus fraîche…26 degrés en ce moment, c’est l’hiver aux Tuamotu !) et la ceinture de plomb…
La chaîne de l’ancre de Kanaga trouve alors une nouvelle vocation.

Vous vous y accrochez, et respirez tranquillement pendant 2 minutes. Vous faites un beau canard : entendez par là, une belle immersion, la tête en bas, et les palmes en haut – l’inverse fonctionne beaucoup moins bien – et vous descendez en
« décompressant », ceci pour ne pas vous faire mal aux oreilles, et en essayant de ne faire que des gestes « utiles » pour consommer le moins d’oxygène possible… Après quelques séances d’entraînement, vous serez surpris de découvrir que la vraie limite n’est pas tant la profondeur, mais celle que l’on se fixe dans la tête… Lâchez-prise, et l’expérience est juste incroyable.

L’envers de la surface vous ouvre ses portes…
… ses mystères…

Au delà d’une immersion « facile » entre 8 et 15 m, l’apnée est surtout, à bord de Kanaga, l’occasion de passer du temps à observer les poissons. Dans ce cas, 4m d’eau suffiront amplement à votre bonheur. Vous choisissez le caillou idéal, descendez, vous accrochez. Passées les premières secondes où les demoiselles et autres petites bêtes à nageoires se cacheront dans un corail branchu (acropore), elles reviendront très vite autour de vous comme si vous faisiez partie du décor (l’idée reçue de la mémoire particulièrement courte de certains poissons serait elle vraie ?). La loche marbrée (mérou local), très curieuse, se posera près de vous, vous regardera dans le masque, semblant dire « ben t’es nouveau toi? ». 

Ben…
… flûte alors !
Sole cachée !

Et puis il y a les minuscules et ceux qui se camouflent, dont on parle rarement car finalement, si on ne « s’arrête pas » on peut ne pas les voir. Le tout petit syngnathe de la famille des hippocampes, oscille comme un serpent, le poisson-flûte change de couleur, la sole est cachée… (trouvée!). Enfin, être statique sous l’eau permet aussi d’assister à des scènes interdites aux mineurs car d’un érotisme rare : les chromis se séduisent sans pudeur : « Je fais trois fois le tour de mon petit corail, je nage vite te retrouver, on se frotte les bidons et on largue les oeufs et le reste et hop, mission accomplie, j’ai fait ma part pour la survie de l’espèce…». Que d’émotions !
Enfin un requin pointe noire curieux – et peut être jaloux de se faire voler la vedette par ces mini-poissons- ne manquera pas de venir vous rappeler sa présence, en emplissant le décor de sa nage noble et parfaite.

Notez, que tout ceci a eu lieu en moins de 2 minutes. Pourtant, si occupés à comtempler les scènes de vie du corail, les secondes semblent plus longues, et on oublierait presque qu’en tant que Sapiens, on n’est pas équipé de branchies… La bonne nouvelle, c’est qu’on peut s’adonner à ce petit exercice autant de fois qu’on le veut, étonnés et éblouis de la richesse des eaux ici, et des paysages sous-marins là.

Etonnant ce qui se cache sous l’eau non ?

Nous avons encore deux semaines pour profiter de Fakarava et des atolls alentour avant de naviguer vers les Australes, et ce qui est certain, c’est que chaque immersion dans ces eaux nous rappelle à quel point leur exploration est infinie…

Voir même… teinté de magie !

À suivre !

Le dessus des atolls…!

Journal de bord
Le Pacifique, le lagon et entre les deux.. Terre !

Il est vrai que ces derniers temps j’étais plutôt tentée de vous parler des dessous des atolls, mais à quoi ressemble Fakarava… vu depuis le pont de Kanaga, voire, un peu au-dessus !
Merci à Andres de Ocean Phoenix pour les photos de drone…

Imaginez une langue de terre large d’une centaine de mètres, faite d’un mélange de sable pour le sol, coiffée principalement de cocotiers (espèce invasive locale qui a pris souvent la place des forêts initiales), et de quelques autres essences d’arbres (filaos, arbre à pain…), et de nombreuses fleurs (de celles que l’on met dans les cheveux pour être jolies).

Pour rappel, vous êtes au beau milieu du Pacifique, à 3000 milles du continent le plus proche… donc un peu au milieu de « nulle part », essayant de vous mettre à l’abri dans une île sans milieu dont il faut trouver le passage d’entrée… 

L’Océan et le platier…

D’un côté, donc, vous avez l’Océan, qui embrasse le platier avec fougue, de ce côté là, ton voilier tu n’approcheras point…

Vers la passe donc tu te dirigeras… là il faut penser à régler les montres, histoire de ne pas rater le train. En effet, le principe de base est de la franchir à l’étale ou une heure après le courant entrant (pour faire simple car il y a des variantes dans certains atolls). Quelques heures de décalage vous amèneraient à faire, au mieux du bateau en marche arrière, portés par des courants qui peuvent approcher les 10 noeuds. Bon au pire… le bateau irait s’échouer sur les côtés de la passe, offrant ainsi une épave formidable à explorer pour les plongeurs… et même les piétons. Pour les habitués de la bretagne, c’est un peu comme le Fromveur… avec une eau plus chaude (les proches de l’équipage sont priés de ne pas retenir ce passage).

Un champs de patates !!

Une fois de l’autre côté, vous avez le lagon, généralement calme (méfiance pas toujours !), dans lequel poussent de nombreuses patates sur lesquelles il serait malvenu de s’attarder. 

S’il existe quelques chenaux hydrographiés (c’est le cas de Fakarava), la cartographie des lieux est fausse en moyenne – si le SHOM le souhaite nous pouvons effectuer quelques relevés bathymétriques tant que nous sommes par là. 

Kanaga s’avance prudemment dans le lagon…
…avec un équipage de vahinés à la barre mais sans les fleurs !

Vous pouvez alors vous adonner à cette discipline quasi-olympique : le Giant Slalom Patate. Un sport qui se pratique à deux minimum, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière avec un voilier. L’athlète de l’avant gesticule pour indiquer à celui de l’arrière où se trouvent les patates (pour ceux qui ne s’y connaîtraient pas du tout en atolls, nous parlons ici de patates de coraux, immangeables, mais  qui elles raffolent des quilles de bateaux distraits).

Celui de l’arrière donc, doit réagir vite, et sans virer de manière intempestive pour éviter de faire voler par-dessus bord les équipiers éventuels qui seraient sur le chemin de la bôme.

Si deux voiliers jouent en même temps le premier qui s’échoue a perdu !

Un paisible mouillage
La prame à la plage

Les épreuves de la passe et du slalom réussies, alors, vous pouvez jeter l’ancre (avec deux ou trois orins qui feront flotter les deux tiers de votre chaîne, ceci pour ne pas abîmer les coraux) et vous délecter de la vue qui s’offre à vous. 

Un camaïeu de bleus, de l’indigo au turquoise, qui se termine par du sable et… des cocotiers. 

Midi sous les cocotiers…
Encore un motu…
Le soleil se couche… et c’est beau !
La lune se lève… et ce n’est pas mal non plus…!

Et aussi incroyable que cela paraisse, on ne s’en lasse pas, suivant les heures, les jours, et la couleur du ciel, les motu offrent différents visages. Lever de lune rousse derrière la silhouette des cocotiers, lumière rasante du soir qui teinte d’orangé tout le monde autour, lever de soleil irradiant le motu, ou encore lumière vive du midi qui réveille les couleurs et les contrastes… 

Et puis après tout, on est pas mal, là sur le pont de Kanaga, à contempler ces jeux de couleurs… le séjour polynésien du peintre Henri Matisse, notamment à Fakarava aurait grandement influé sur la suite de la construction de son oeuvre… on comprend pourquoi !

À suivre…

 

Le dessous des atolls – Episode 1

Journal de bord
Le maître nageur…

Voilà presque 15 jours que Kanaga est arrivé dans l’atoll de Fakarava. Difficile d’imaginer que cet anneau de sable fut il y a quelques millions d’années, aussi élevé que les Marquises. Nous  y retrouvons avec plaisir les eaux turquoises et leurs habitants.

Fakarava est réputée pour sa passe Sud où les plongées sont extraordinaire. Les anciens l’appelaient la passe aux 1000 requins… le documentaire récent de l’équipe des expéditions Gombessa en ont dénombré 700…

Oups… il y a du beau monde

Difficile de résister à l’envie de chausser les bouteilles pour aller voir de près ce que ce passage recèle.On s’immerge côté océan, à l’entrée de la passe. À peine à quelques mètres sous l’eau, nous les voyons. Peinards, faisant face au courant, nous ignorant superbement, semblant attendre. Les requins sont là, les uns derrière les autres, par dizaines, faisant face au courant. Telles des meutes patientes. 

Nous, on ne les a pas compté, pour longer le canyon qui leur sert de « repère »… et ce qui est certain, c’est qu’ils sont (très) nombreux ! Des pointes noires, des gris et des pointes blanches pour la plupart, quelques dormeurs. Certaines femelles sont blessées, l’amour chez les requins ne manque pas de… mordant.

Le spectacle est saisissant et la période propice : on est en pleine saison de reproduction.

Mr Requin n’est pas toujours tendre…!

Nous essayons de nous fondre le plus discrètement possible dans le chemin aquatique ouvert par notre guide, fascinés, médusés, par cette réunion peu commune et cette scène qui, contrairement aux idées reçues, dégage une grande impression de sérénité. 

Notre petite palanquée reste groupée pour que la colonne de bulles les dérange le moins possible et que nous puissions les observer au mieux. Il y en a partout autour de nous. 

Le courant rentrant de la passe nous porte doucement dans ses bras accueillants vers le lagon, aux côtés de cette population de sélaciens qui est plus nombreuse que le nombre d’habitants de la commune de Fakarava (qui compte 6 atolls…).

Si les squales volent la vedette aux autres espèces qui gravitent ici, les récifs méritent qu’on s’y attardent : coraux, labres en tous genres, poissons papillons, chirurgiens, bénitiers et beaucoup d’autres que l’on n’a pas le temps d’observer tant le regard est happé par cette planète magnifique.

Le temps passe vite et il nous faut remonter. Déjà ?! Une heure ce n’est pas si mal…

Il n’y a plus de place dans la planque !
Un nudi branche, collection printemps 2021

La zone où mouille Kanaga n’est pas en reste. Et sous la coque, il y a du beau monde aussi. Palmez quelques minutes autour des patates de coraux alentours, en apnée cette fois-ci, et assez vite, vous ne savez plus non plus où donner de la tête… bancs de perroquets, pointes noires curieux, poulpes, murènes… Vous l’aurez compris, jouer les ondins et les sirènes en ces lieux est un vrai bonheur… et je crois que nous ne sommes pas prêt d’avoir fait le tour de la question !

Le bon Zancle… ben oui on a croisé Pirate
… et encore un bénitier sans sa grenouille !

Pas étonnant que la zone soit classée réserve de biosphère par l’UNESCO. 

Ceux qui vivent et plongent ici depuis 15 ans voient certains sites se dégrader, aussi ils alertent et informent pour que l’on puisse profiter de ces lieux d’exception sans les abîmer.

Alors nous veillons à garder la palme légère et le mouillage attentif et devrions refaire un tour passe Sud lors de la prochaine pleine lune. Cette fois, ce sont les mérous qui viendront occuper le site pour se reproduire. Cette passe doit être décidément réputée pour être des plus romantiques auprès des bêtes à écailles !

Ils se rendent ici chaque année, guettés par les maîtres des lieux qui en profiteront, la nuit pour se faire un festin… comme quoi, chez les poissons comme chez les sapiens, l’histoire ne sert pas toujours de leçon !

À suivre…

Aller, on remonte… jusqu’à la prochaine immersion !