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Antwerp Student Fleet : mission accomplie, en 7 leçons

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Lun II & Kanaga bord à bord

Après 3 semaines de navigation en mer du Nord, Kanaga, LunII et Musette sont rentrés à Anvers. A l’heure où les 18 étudiants font leur baluchon, les souvenirs et anecdotes de cette aventure commune fusent dans le carré…Le plan initial c’était une escale à Peterhead au Nord de l’Ecosse, et une autre à Haugesund au sud de la Norvège pout rallier de nouveau Anvers. Mais voilà, Dame météo, toujours la même, en a décidé autrement. 

Les 4 premiers jours ont été sportifs : dès la sortie de l’Escaut les trois voiliers se font ballotés travers au vent avec une mer croisée, typique de la mer du Nord. Une partie des effectifs est alors scotchée dans la bannette ou le cockpit, chacun luttant contre ses démons intérieurs. Un « bizutage » qui a eu lieu entre plates-formes gazières et champs d’éoliennes. Première leçon : la mer n’est pas plate et les gestes simples du quotidien peuvent relever de l’exploit sur un voilier dans certaines conditions…

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Les trois voiliers au port de Peterhead

L’arrivée à Peterhead était bienvenue pour se remettre de ces premières émotions, mais malgré les désagréments d’oreilles internes réticentes, ils ont tous bien voulu continuer l’aventure. Ouf!Peterhead est l’un des ports de pêche les plus importants du Royaume-Uni.

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Des étudiants contents d’être heureux…
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…le chat de LunII apprécie les présents des pêcheurs locaux…

Les étudiants y ont rencontré leurs alter-ego écossais, visité des bateaux, et l’école de marine marchande locale où ils ont reçu un accueil très chaleureux. Pendant ce temps sur les quais les pêcheurs offrent lottes, raies et autres poissons frais aux trois voiliers qui dénotent au milieu de tous les chalutiers. Après les moments privilégiés en petits équipages, au port, tout le monde va d’un bateau à l’autre et c’est souvent sur le pont de LunII que l’on se retrouve pour une boustifaille commune.
Deuxième leçon : vivre ainsi en promiscuité H24 pour mener la barque quelque part c’est aussi un partage humain, avec ses peurs, ses forces et ses joies…

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Une dépression…
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…des discussions…
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et…heu…on fait quoi maintenant ?!

Un point météo est fait pour la suite de la navigation : rallier la Norvège s’avère musclé…des vents à 50 noeuds établis sont attendus…et surtout le risque est de ne pas réussir à la quitter ensuite. Non pas que l’idée nous déplaise, mais c’est que nos étudiants sont attendus à l’école et ne peuvent se permettre d’hiverner pour admirer les aurores boréales (ce n’est pas au programme…). La décision est prise : nous n’irons pas et suivrons les vents qui nous mèneront à Stonehaven un peu plus au sud de la côte Est Ecossaise. Troisième leçon : en voilier ça ne se passe jamais comme prévu…

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Scie musicale à Stonehaven, par un étudiant-musicien

Stonehaven : petite havre de paix, village de pêcheurs reconverti en lieu de villégiature. Un château en ruine au pied de la falaise, des pubs charmants, des rues pavées et une promenade en bord de mer…Mais voilà les dépressions s’enchaînent en mer du Nord et le maître du port nous demande de trouver un autre port car la houle annoncée ne garanti plus la sécurité des voiliers dans cette petite antre. Branle-bas de combat, réunion au sommet, enfin dans le carré, et on repart pour…Peterhead de nouveau.Quatrième leçon : cf la troisième leçon.

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 Pendant que le captain Ulysse raconte l’histoire de Lun II…
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d’autres s’attèlent aux fondamentaux de la vie à bord…
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Et certaines se voient déjà prendre la suite…

Peterhead : deuxième round. La carte météo est rouge, ce qui veut dire que mieux vaut boire des whisky au pub que de mettre les étraves dehors. Mais on ne peut décemment pas passer 4 jours dans les troquets. Ni une ni deux, les idées fusent et trois jours « didactiques » sont organisés avec des ateliers sur les différents bateaux: patrimoine maritime et construction navale sur LunII, matelotage, météo et océanographie sur Kanaga, et manoeuvres au port sur Musette. Cinquième leçon : adaptation et partage d’expériences font aussi l’essence de ces moments.

Une fois les grains éloignés, nous reprenons la mer de concert pour mettre tout ça en application. Chaque groupe d’étudiants a déjà changé deux fois de bateau et embarque sur son dernier voilier…Une manière de découvrir trois ambiances et trois manières de naviguer différentes. Nous rallions ainsi Lowesoft en Angleterre.
Sixième leçon : à chaque bateau et chaque équipage sa personnalité.

 

Enfin, il nous faut déjà rallier Anvers, l’heure tourne et le deal c’est de ramener tout le monde à l’heure. C’est sous le soleil et au portant que nous rejoignons la Belgique. Les trois bateaux naviguent bord à bord et nous pouvons presque toucher LunII depuis Kanaga. Moments de grâce pour tous, échanges de plaisanterie d’un bateau à l’autre. Tout le monde est amariné désormais et les navires filent, ensemble, tout dessus. Le spectacle est superbe. Septième leçon : la navigation…ça se vit !

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Nous filons bord à bord vers Anvers…moment de grâce !

Puis vient l’heure des au-revoir, dont certains particulièrement émouvants. Certes, l’objectif premier de la formation de la Zeevart School est de mener ses étudiants à bord des passerelles des cargos….mais les bruits ont couru dans les coursives que cette expérience les a confronté à la mer de plus près et peut être même a fait naître certaines envies et vocations chez certain(e)s. À la voile ou à la barre de géants d’aciers, souhaitons à tous de très belles navigations…et de nombreuses autres éditions pour la Antwerp Student Fleet à laquelle Kanaga a été fier de participer !

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A vous de jouer maintenant les futurs commandants(es) !

À suivre…

Chez les Flamands…

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Au loin l’horizon !

Kanaga est à quai à Anvers, Antwerpen comme on dit ici chez les Flamands. Il se refait une petite beauté après les 20 000 milles déjà parcourus depuis qu’il a quitté l’Europe en septembre dernier.
Et pour cause, il est affrêté avec Lun II, un autre bateau norvégien, et Musette pour un projet porté par les étudiants de la Antwerp Student Fleet Hogere Zeevaartschool. Atchoum !

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Martinou et Laëtitia des émissaires au top !
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Et voilà le travail !

Dernièrement je vous contais l’histoire d’un bout de chêne pyrénéen qui allait s’envoler vers la Belgique. Finalement celui-ci à trouvé beaucoup plus confortable de voyager en van en compagnie d’un conteur « pyrénéo-belge » connu sous le nom de Martinou et sa douce Laëtitia, pour rejoindre après un road trip, le port d’Anvers. Après le fret à la voile, le fret en van c’est très tendance aussi ! Grâce à ces émissaires, le chêne bien nommé a enfin trouvé sa place à bord.

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Lun II, Kanaga et Musette à quai au centre ville d’Anvers

Quelques coups de pinceaux par-ci, réglages par là, amélioration deci-delà, et nous voilà prêts à accueillir ceux qui un jour commanderont des gros bateaux. 18 étudiants de l’école de marine marchande d’Anvers vont se répartir sur les trois voiliers : Kanaga, Lun II et Musette. Ils passent nous voir tous les jours entre sessions d’examens et organisation du projet né de leur initiative. Calage du programme, constitution des équipages et même expériences scientifiques sont au programme !

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Lun II et Kanaga bord à bord

 

C’est ainsi que Lun II et Kanaga vont être en charge de tracter des filets dotés de plaques de tôles recouvertes de différents anti-fouling. L’idée c’est d’empêcher une première couche de petites bactéries et microorganismes qui recherchent un logement de s’installer sur ces plaques (le biofilm dans le jargon). Pourquoi tant de haine me direz-vous ? Parce qu’une fois colonisée, une coque glisse beaucoup moins efficacement dans l’eau. (Notez que pour les plongeurs et les épaves, c’est l’inverse, ils adorent ça). Si demain les enseignants-chercheurs trouvent LA peinture adéquate, cela évitera de nombreux carénages et donc quantité de peintures chimiques qu’on étale sur les dessous des coques des bateaux chaque année. Donc certes, les bactéries auront moins de logements potentiels mais la mer devrait n’en être que plus propre. Ne nous enflammons pas cependant, des gens du monde entier se penchent sur cette problématique complexe, la recherche avance, mais il n’y a pas encore de solution miracle.

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Malo, matelot de Lun II assure les derniers préparatifs

Côté navigation, nous appareillons ce jour pour faire route vers PeterHead au Nord de l’Ecosse dans un premier temps. Pour certains de ces futurs commandant(e)s c’est une première expérience en voilier…Leurs sacs sont à bord, l’avitaillement est fait : flamands, belges, suisses et français sont donc parés à embarquer pour trois semaines de navigation en mer du Nord : première étape, remonter les 48 milles de l’Escaut, le fleuve qui va nous permettre de nous extirper du centre ville d’Anvers…nous allons y croiser des cargos du monde entier, chargés à bloc, naviguant entre 14 et 20 noeuds sur le fleuve…Il va falloir ouvrir l’oeil, et même les deux !

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Anvers, deuxième port commercial européen après Rotterdam…

En attendant sur les quais, comme l’a si bien chanté Brel, les flamands et les flamandes dansent en vue de ce futur périple !

À suivre !

De la montagne à la mer il n’y a parfois qu’un arbre !

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Certaines histoires de bateaux naissent au coeur des montagnes…Ici au pied du Balaïtous

Kanaga a fait une micro-escale à Tréboul après sa deuxième partie de transat et se dirige vers Anvers pour rejoindre les étudiants de l’école de marine marchande belge. Les échos de la transat suivront bientôt. Pour l’instant prenons un peu de hauteur et suivons un petit groupe de Pyrénéens qui s’est activé pour donner à Kanaga des lettres de noblesses, ou plutôt…faites de bois noble. Explications.

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Le chemin de la mâture creusé en 1766
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Mieux vaut ne pas avoir le vertige…
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Au bout du chemin…l’Ossau

À la fin du XVIIIème siècle il n’était pas rare d’entendre parler de bateaux au fin fond des vallées pyrénéennes. Et pour cause, pour mener à bien la rénovation de la flotte décidée par Colbert sous Louis XIV la vallée d’Aspe est devenue le territoire d’un étrange spectacle. Des hommes suspendus à 200m au-dessus du vide dans les gorges de l’enfer, s’attaquent à la montagne pour y creuser le chemin de la Mâture, connu aujourd’hui des randonneurs en recherche de sensations fortes. Ils convoitaient les hautes forêts. Chaque jour 10 à 12 attelages de boeufs traînaient ainsi des troncs vers la ville d’Etsaut. Assemblés en radeaux au « port » d’Athas (à 440m d’altitude…), ils étaient ainsi convoyés jusqu’à Oloron, via le gave puis vers Bayonne. Le sapin était utilisé pour les mâts, le hêtre pour les avirons et le buis pour les poulies.

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Au pied du pic du midi d’Arrens un chêne ne se doute pas du destin maritime qui l’attend…

Ces jours-ci c’est dans le Val d’Azun que l’on a parlé voilier. Imaginez un superbe chêne situé dans un bois d’Arrens-Marsous qui se fait déraciner par une tempête, au pied du pic du midi.

Jean-Michel récupère l’arbre. Il contacte une scierie mobile qui en fait des planches et des poutres d’une qualité superbe. L’ensemble est stocké dans le hangar de Zabeth. Jean passe par-là repère une des planches…il se trouve que quelques jours plus tôt, sa fille Laëtitia, qui vit à bord du voilier Kanaga (ah on y est!) lui a confié une mission : réaliser un cartouche en bois qui ornerait le cul du bateau. Claude prête les outils pour graver la pièce…La typo se calque sur celle qu’à imaginée Antoine, notre fidèle dessinateur.

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Mesure…
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Gravure…
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Peinturlure…
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Ponçure…(faut que ça rime)
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Et lazure !!

Grand merci à toutes ces petites mains : grâce à elles Kanaga sera désormais toujours accompagné d’un petit air pyrénéen soufflé par le Val d’Azun.

Une semaine plus tard, les cartouches sont prêts à l’emploi, lazurés. Il reste désormais à les porter à dos d’avion en Belgique pour les installer à bord. Ce chêne d’une haute vallée de montagne n’aurait sans doute pas imaginé se retrouver un jour embarqué à bord d’un navire…à moins qu’il n’ait entendu quelques histoires contées par ses ancêtres de la vallée d’à côté !

Espérons qu’à son tour il en aura de belles à colporter par delà les océans et les cimes…!

À suivre…