Des Perlas au Darien : trésors du Panama

Journal de bord
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Kanaga et son ombre… vus du ciel

Kanaga est de retour à son mouillage quasi-habituel de Panama City après un dernier bord dans le Golfe, en équipage. L’archipel des Perlas nous a offert de nouvelles rencontres d’exception. Le Darien, quant à lui, nous a ébloui.

Revenir en un même lieu permet d’aller un peu plus loin à chaque fois. Nous avons donc choisi de mener notre joyeux équipage dans l’archipel des Perlas que nous avions découvert cet été.

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Un mouillage aux Perlas – merci Bapt et Baptman pour ces images !
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Ou selon Julie…

Comme promis, nos équipiers ont eu droit au chant des baleines à bosses à travers la coque du Kanaga (ouf, elles ne nous ont pas lâché) et à quelques navigations communes avec ces grandes dames. La pêche quasi-miraculeuse était de la partie également, avec pour victimes, quelques poissons, mais aussi quelques leurres arrachés… ce ne sont pas toujours les pêcheurs qui gagnent ! Nous avons aussi trouvé des eaux de plus en plus cristallines, avec des plongées offrant leur lot de merveilles : murènes, tortues, raies, napoléons…

 

 

 

À la recherche de la perle rare…

La magie du voyage reste dans les rencontres. Ce jour-là nous étions au mouillage de Las Cañas, au sud de l’archipel. Sur la plage, un homme d’une cinquantaine d’année observe notre drôle d’équipe. Nous échangeons quelques mots, il vient ici récupérer du gravas pour construire une maison dans le petit village adjacent qui compte 80 habitants. Assez vite, il a l’air décidé à nous faire découvrir les joyaux de son coin. Ils nous amène cueillir des citrons sauvages avant de se lancer dans l’escalade d’un cocotier pour nous offrir des cocos fraîches. Il grimpe quelques « marches »  pré-taillées sur le tronc, plante sa machette d’une main, se hisse de l’autre, les jambes croisées sur l’arbre. Dix mètres plus haut, suspendu la tête en bas, il nous « envoie » des cocos…On est quelque peu fébriles, surtout quand il nous lance : « Ca fait longtemps que je n’ai pas fait ça !! »… Mais redescend avec autant d’habileté qu’il a mis à monter. Quelques heures plus tard il passe à bord avec du poisson, des coquillages du coin (genre bulots mais trois fois plus gros dotés de piquants), et des huîtres.
Le nom de Las Perlas vient de là. Des huîtres perlières qui au temps des conquistadors ont été récoltées à outrance – en exploitant les indiens. Pas d’élevage ici, les chanceux les trouveront lors de l’ouverture. A priori, c’est assez rare. Notre ami nous en ouvre une dizaine… point de perles, mais leur goût est fameux ! Puis il nous raconte des histoires de chasse… on y apprend que de chinois peu scrupuleux l’ont contacté pour tuer des crocodiles, pour du trafic illégal bien sûr… une mission qu’il laissera en plan. Nous sommes plongés dans un autre monde et nous nous endormons la tête pleine d’histoires.

Le lendemain, il nous guide dans le village et tient à nous montrer sa finca, ses cochons. Les gens ici vivent isolés, ils ont une navette par semaine qui assure quelques avitaillement, mais font en sorte d’être autonomes. Une femme ici bat le riz, des hommes jouent au domino, un autre répare un hors-bord et des gamins nous observent (presque) discrètement. Pas de Wifi non plus. A l’école il y a actuellement 8 élèves. Les jeunes quittent ensuite les lieux pour aller au collège, souvent à Panama City…Et pour trouver un compagnon ou une compagne de vie, c’est encore plus compliqué aux dires des habitants il faut aller trèèès loin !!! Gerardo nous explique que sa femme et ses enfants sont restés à la ville… Il nous raccompagne vers la plage où nous avons laissé l’annexe après cette bonne partie de journée passé ensemble, et nous salue, les larmes aux yeux.

De retour à bord nous faisons un plein d’eau douce à la cascade, encore touchés par ce moment de partage, puis, nous décidons d’aller encore un peu plus loin.

Dans le Darien.

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Changement de paysages… face au Darien

Le Darien c’est cette immense forêt qui rend le passage entre la Colombie et le Panama quasi impossible par la route – sauf si vous avez grandi là et que la jungle n’a plus de secrets pour vous. Reste cependant une option pour y aller : les fleuves. Nous décidons donc de remonter le Rio Congo qui nous semble le plus adapté eu égard à notre tirant d’eau (2,4m) et à la cartographie un peu aléatoire dans ce genres de sites. Le bleu de l’eau laisse place à une couleur marronâtre drainant de nombreux troncs d’arbre et pleine de plancton. Nous nous engouffrons dans le fleuve et devinons l’immensité de la forêt alentour… Au loin, des montagnes. Quelques pêcheurs des communautés qui vivent là jettent quelques filets. Leurs embarcations sont misérables ce qui ne les empêchent pas d’évoluer dans les dédales de mangroves avec une facilité déconcertante !

Nous partons à notre tour explorer les lieux avec nos prames, un labyrinthe de mangroves nous attend avec d’immenses palétuviers. Nous chuchotons espérant croiser quelques animaux… Nous tombons sur un groupe de capucins qui sautent d’une branche à l’autre, des oiseaux en tout genre, pas de jaguar pour cette fois. Difficile de lire un tel paysage quant on n’est pas « de là »…c’est impressionnant. On entend quelques singes hurleurs aussi avec leur cri si spécifique. Le soir nous revenons et cette fois-ci c’est un crocodile que nous croisons… la benjamine du bord le trouvera « minuscule » (1,5m tout de même, ça commence à faire un beau lézard) ! On cherche la mère de ce dernier… elle nous aura probablement vu mais restera cachée…

Lucioles, plancton bioluminescent et ciel étoilé nous raccompagnent à bord. Le fleuve nous communique son atmosphère paisible et silencieuse, ou du moins silencieuse des bruits humains…

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Paisible Darien…

Le lendemain au crépuscule, l’île derrière laquelle nous avons mouillé, une île anonyme que nous avons baptisée l’île Marcel en hommage à un tonton qu’on aimait beaucoup, se pare de centaines d’oiseaux. À la même heure, ils arrivent de toute la forêt : des ibis, des pélicans, des courlis, des hérons, des urubus et des petits oiseaux noirs dont nous ne connaissons pas l’identité. L’île devient alors le lieu de piaillements, chants, jacasseries et même semblent-t-il éclats de rire qui remplissent tout l’espace. Une île refuge où les prédateurs ne peuvent les atteindre… Alignés sur le pont du Kanaga, nous assistons au spectacle, fascinés. Conscients d’approcher ici un des bouts du monde… il nous faut pourtant repartir. Déjà.

Un grand merci à Julie, Baptiste et Hervé pour leurs photos !!!

À suivre…

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Vu !

Une partie de l’équipage du KANAGA au Festival du film et livre de l’aventure de La Rochelle pour un nouvel ouvrage !

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Notez dès maintenant cette date sur votre calendrier : les 15-16 et 17 novembre Antoine, l’illustrateur, et Laëtitia, la scribe, seront présents au FIFAV (www.festival-film-aventure.com), à la Rochelle pour présenter leur nouveau livre « Etude très sérieuse des Mammifères Marins » ! Nous vous y attendons nombreux !

« Les océans sont passés au crible des chercheurs. Cependant, il y a un manque. Un vrai manque. Une faille, non pas sismique mais élémentaire. Dans leur élan, les scientifiques ont omis une véritable étude sérieuse et exhaustive de l’un des genres clés de la grande bleue : les Mammifères Marins Bipèdes.
Celles et ceux qui liront cette étude découvriront que, contrairement aux idées reçues, les marins, même si cela arrive, ne sont pas toujours barbus, pas toujours bougons et pas toujours vieux. »

Et oui après avoir attendu l’équipier… nous nous sommes lancés dans une toute autre quête : une galerie de portraits hauts en couleurs de ceux et celles qui vivent sur l’eau…Publication prévue pour le festival et commande possible dans la partie « librairie » du site de Kanaga à partir de la fin novembre !

Pour l’heure tout l’équipage s’adonne aux joies de l’apnée aux Perlas, où les baleines commencent à entreprendre leur voyage vers le Nord…des nouvelles nouvelles dans 15 jours !

À suivre !

Quand le moteur nous m’autorise…

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Plein gaz vers de nouvelles aventures !

On a beau faire du voilier, il nous faut parfois faire appel à la propulsion mécanique, notamment dans les régions où le vent fait défaut…comme ici au Panama. C’est ainsi que pendant que certain(e)s batifolent avec les poissons ou les bêtes à fanons, d’autres s’immergent dans de toutes autres eaux. Ou devrait-on dire, s’immergent dans l’huile et le gasoil.

Cette histoire a deux personnages principaux.

Vin Diesel : il est balaise, il est américain (Ford Leeman), il est rouge, il est tenace et a de sacrés capacités. Son défaut : il a besoin de carburant et de beaucoup d’attention pour être au top. Dans notre récit il a 37 ans, un bel âge auquel normalement la mécanique est à son apogée (et la scribe sait de quoi elle parle étant de la même année que notre Vin’). Mais voilà depuis quelques mois, Vin fait des caprices. À croire qu’il voudrait revoir sa Normandie et qu’il en a marre de la vie de bohème sous les tropiques. Il a concédé de nous laisser passer le canal du Panama à 5 petits noeuds, et depuis, il râle et nous en fait voir.

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Le face à face entre Hervé et Vin !

Le deuxième personnage, c’est Hervé. Si vous lui demander de vous raconter le Panama, il pourra vos donner les adresses de toutes les ferreteria de Portobelo à Panama City, en passant par la petite échoppe de Contadora aux Perlas où ils vendent le produit qui va bien pour faire cesser les problèmes d’incontinence de Vin. Quant aux paysages, il les a vu, entre deux plongées dans la salle machine, généralement avec les mains pleines de cambouis et autant sur le visage, dégoulinant de sueur, l’oeil terne et les mâchoires crispées après 2 ou 3 heures de bataille avec Vin. A chaque problème résolu, un nouveau prenait sa place…

Jusqu’à ce jour où nous étions dans un sublime mouillage, en équipage réduit : votre dévouée scribe, Hervé et la moussaillonne. Souvenez-vous, c’est la fois où deux baleines ont passé quelques heures près de Kanaga…Si nous avions su nous leur aurions demandé de nous remorquer jusqu’à Panama City. En effet ce mouillage paradisiaque est isolé, et c’est un excellent abri duquel il est en revanche difficile, voire impossible, de s’extirper à la voile. Le passage est étroit, avec un fort courant et à l’heure actuelle pas de vent… Bref, ce jour là, quand on a démarré, le moteur est resté silencieux. Et quand Vin ne dit rien c’est (très) mauvais signe. Le lendemain, après une dure journée de labeur et de combat en face-à-face, Hervé a obtenu un sursis. On a filé sur Panama City, retrouvé du vent en cours de route et jeté l’ancre à deux pas des ateliers de mécanique pour réfléchir. Assurément, cette fois-ci on ne pouvait combattre la bête seuls.

 

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Nelson l’homme qui murmure à l’oreille des moteurs…

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Arrive alors un troisième personnage : Nelson, un mécano uruguayen de 63 ans, sans doute né avec une clé dynamométrique dans la main (rassurez-vous je ne savais pas non plus ce que c’était avant qu’on reculasse ce pauvre Vin). Assez vite, après sa confrontation avec Vin, il sort lui aussi plein de cambouis, trempé de sueur, mais ! avec un sourire aux lèvres.
Ah bon, on peut faire de la mécanique et apprécier alors ? Et oui, Nelson est passionné, il adore s’occuper des moteurs. Vin, sans doute ravi de cette attention quasi-amoureuse, et probablement sensible au charme latino, s’est laissé faire. Tout y est passé : injecteurs, soupapes et sièges de soupapes, échangeur, rectification de la culasse, joint de culasse, etc. Le tout bien sûr en panaméen dans le texte : contrairement à ce que laisse croire le dictionnaire espagnol on ne dit pas junta de culata mais « empaque »… Nous avions l’air bien nous : « necessitamos de cambiar el junto de culata par ici, junto de culata par là ». Heureusement Nelson en bon professionnel n’a pas besoin de mode d’emploi et a enrichi notre sémantique mécanique hispanique – nous tairons les jurons.

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Et hop, sans la culasse (demain Vin enlève le bas) !
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La tribu des soupapes
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Et l' »empaque » empaqueter !

Une semaine plus tard, après un passage dans l’atelier terrestre de Nelson qui a toutes les machines-outils qui vont bien, notre nouveau meilleur ami a remis toutes les pièces du puzzle en place. Pendant ce temps Hervé décrivait toutes les manip’ et j’ai réalisé que la panne avait du bon : elle est un excellent outil pédagogique. Nelson sort de la grotte ravi. Il nous dit : partez faire des tests, on se revoit dans un mois, si tout va bien, Vin’ est au moins reparti pour 20 ans. C’est un très bon moteur, il avait besoin d’un gros coup de neuf, mais « tranquillo » ça va voguer !

Fébrilement, nous tournons la clé de contact, Vin ronronne…et ça tient. Il nous « m’autorise » à repartir…

À suivre !