Où il est question de sueurs, chaudes, froides et de quelques types de savons
Journal de bord
Le Curtiss 46 ? C’est fait. Le Willaurie ? C’est fait. Le Ray of Hope ? C’est fait. Sur les 5 épaves repérées par les Bernards, petit nom désormais acquis pour parler des palmipèdes à caméras du bord, 3 ont donc été filmées sous toutes leurs tôles. Après avoir une nouvelle fois risqué sa coquille dans des conditions météo complexes, Kanaga a enfin pu bénéficier d’une fenêtre ouverte vers Bimini pour les 15 derniers jours de la mission du « Syndrome du Bernard l’Hermite ».
Ray of Hope…lueur d’espoir ? Quand nous nous y rendons les cieux sont gris mais semblent effectivement apaisés. L’épave, située à moins de 20 milles de Nassau, sur l’île de New Providence, est une star locale. C’est l’un des sites préférés de « Stuart Cove », centre de plongée local mondialement connu spécialisé en tournages de films et séries (Flipper, James Bond…) qui a investi tout le sud subaquatique de l’île. Et pour cause. Tremper les palmes ici revient à garantir de nager avec des requins. Effectivement, quand Kanaga y fait halte, avant même de plonger, nous observons une petite dizaine de squales nageant en contrebas. Sous l’eau on identifiera des gris de récifs, des nourrices et des citrons.
Qui était là en premier, l’épave coulée ou les requins ? Allez savoir. Toujours est-il qu’ils y restent car Stuart Cove pratique le Shark Feeding pour que chaque homo palmipède puisse profiter du spectacle. La ronde des grands poissons est superbe, il est vrai…mais la magie de la rencontre est quelques peu spoliée ici. Les grenouilles embouteillées du bord retiendrons avec plus d’émotions le banc argenté de « silver sides fish » qui se meut à l’arrière de l’épave ou la conversation en tête à tête avec un beau mérou de Nassau pour Typhaine.
Le ciel change, et il nous reste une petite demi-journée pour refaire une plongée sur le Willaurie, non loin de là après quoi, notre routeur préféré nous conseille de nous mettre à l’abri. La consigne est claire : tout le monde doit être à bord à midi. Pour se rendre sur site, les 4 Bernards prennent l’annexe. Il fait encore relativement beau. Léo est en surface à la sécu, pendant que les trois autres plongent. Il voit le ciel changer…tout comme nous à bord du Kanaga. Mais lorsque l’on évolue dans les profondeurs l’on est protégé des maux de la surface et de ses rabat-joie qui sont à cheval sur les horaires. À bord de l’annexe et du Kanaga on commence à stresser voyant les premiers grains arriver et les heures défiler. L’abri n’est plus sûr, Kanaga a le cul vers la terre et la houle commence à rentrer dans la baie. Il faut dégager…et vite mais pas sans l’annexe et ses grenouilles perdues dans le grand rien ! Finalement les Bernards émergeront et Armel réussira à les ramener à bord malgré la pluie battante qui prive le navigateur de toute visibilité. On appareille dans la foulée sous des trombes d’eau entre tonnerre et éclairs. Bonne frousse collective. Et un gros savon de la part du capt’ain -presque aussi fort que le tonnerre. Ça arrive, ça fait aussi partie de la vie du bord. Une heure plus tard, le vent a été mangé par le grain, la mer est d’huile et on assiste à une chasse de carangues, avec des puffins autour qui pêchent aussi leur dû. Trois heures plus tard nous sommes à Nassau, à l’abri, avec le ciel qui se déchire de nouveau. Jamais été aussi contents de voir Paradise Island depuis le début de l’histoire !
Puis enfin, la météo nous sourit. Nous pouvons quitter New Providence où nous retiendrons que les gens sont adorables -comme tous les Bahaméens croisés jusque là- mais le tourisme grossier.
Kanaga se concocte une escale plus sauvage dans l’archipel des Berry, 40 milles aux nord-ouest de New Providence. Un premier mouillage au pied d’un phare abandonné, avec une eau translucide permettra de se dégourdir les palmes, juste pour le plaisir. La nouvelle météo nous annonce 3 jours de pétole. Effectivement, la mer est un miroir et les îles volantes. Nul besoin de se mouiller pour plonger, on voit ici les poissons par transparence depuis le pont, comme dans un aquarium. Mais la ploufette est trop tentante car pour le coup il fait chaud, très chaud, très très chaud. Le matin l’eau est turquoise pour se teinter de vert dans l’après-midi où elle se charge de plancton. Le thermomètre indique sa température : 31°C. La couche superficielle est irisée, comme au dessus-des flammes d’un foyer.
Ici un immense récif corallien est accessible facilement en apnée. Il a subi les dommages de Mathew, un cyclone qui a sévi dans la région en 2016 mais il est en pleine résilience. Sur les sculptures calcaires sans vies laissées par les coraux cornes d’élan, de nouveaux polypes s’installent et celles-ci reprennent vie. Et si les reefs ne foisonnent pas encore de couleurs, en revanche, les poissons qui élisent domicile ici sont nombreux et nous en prenons plein la vue. Nous nageons dans le dédale de ces coraux renaissants, observant ses multiples hôtes et nous sommes nous mêmes observés, jouant à cache-cache dans ce labyrinthe. Par petits fonds, la lumière rejoint la partie et sublime la scène. Et puis arrive l’acteur principal, celui que l’on n’attendait pas ici, un requin nourrice de deux bons mètres, seule la curiosité l’aura appâté. Il s’approche de près, très près, très très près – Armel aura presque eu le temps de compter ses dents- faisant comprendre majestueusement qu’ici, nous sommes chez lui, et la magie opère, assurément.
Les Bernards-grenouilles passeront ces jours-ci plus de dix heures sous l’eau à profiter du spectacle offert ici.
A suivre…
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