Transat en 3D

Journal de bord
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Arrivée avec un superbe coucher de soleil sur l’archipel des Saintes…

De Fuerteventura aux Saintes : 3145 milles, 23 jours de mer, des manchots empereurs, du roulis, beaucoup d’eau salée…Et une transat en 3D. Récit depuis le mouillage des Saintes où Kanaga vient de repaître d’une tartiflette antillaise.

Notre première semaine de navigation a été idéale, voire idyllique : nous filions vers le sud, grand largue, le long des côtes africaines. Hordes de dauphins comètes illuminés de plancton, pêche fructueuse avec ceviche de dorades coryphènes, houle du large avec une longue période propice au repos entre deux quarts. Une navigation parfaite…aussi confortable qu’une sieste sur une chaise longue pliante – UN transat à ne pas confondre avec UNE transat.

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Ceviche avec une dorade coryphène toute fraîche pêchée…

Mais cela ne pouvait durer…une fois le virage pris vers l’Ouest à hauteur du Cap Vert, Kanaga s’est retrouvé balloté bord sur bord. Il faut dire que pendant ce temps là dans l’Atlantique Nord c’était le grand chambardement. Notre routeur nous y décrivait une dépression avec des rafales de 110 noeuds et une houle de 16m…bien loin de ces conditions dantesques (ouf!) nous avons quand même eu droit à une houle croisée rendant la chaise longue pliante bien moins agréable.

Dans ce cas précis chacun évolue avec la classe d’un manchot empereur cherchant à trouver l’équilibre sur un iceberg qui veut se retourner. La préparation des repas, les ablutions, l’enfilage du harnais ou du slip, le changement de la couche pour la moussaillonne, tout devient un véritable exploit. L’équipier alors s’allonge pour se remettre de ce balancement permanent, mais impossible de rester calé dans la bannette…ni de fermer l’oeil. Au fur et à mesure, les cernes se creusent et mêmes les poissons volants qui s’échouent sur le pont on l’air plus frais que l’équipage…

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Et ça roule, voiles en ciseaux !
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C’est bleu…
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Vu de la haut…c’est bleu aussi !

Et ça roule, et ça roule…un jour, deux jours, 5 jours…12 jours ! A force, les empereurs commencent à maîtriser le ramper-rouler, comme quoi l’homo marinus (enfin mariné plutôt) s’adapte à tout ! Et surtout l’équipier regarde autour de lui, car en transat-rouleuse il ne peut pas faire grand chose d’autre.

Depuis son poste préféré, allongé dans le cockpit, Cela donnera à peu près ça : mer-ciel, mer-ciel, mer-ciel, chute, mer-ciel, mer-ciel.

Grâce à son sens de l’observation aiguisé il constatera assez vite qu’il est entouré de ce chaos infini de vagues désorganisées et que c’est bleu. Trèèès bleu. Enfin, il faudrait toute une palettes de noms de bleus pour décrire le camaïeu qui s’offre à lui. Le ciel est bleu, la mer est bleue, les profondeurs sont bleues, et même le short du partenaire de quart est bleu. Quelques évènements perturberont ce presque-monochrome : une dizaine d’orques pygmées qui nous suivent pendant une bonne heure, quelques oiseaux, et même un voilier là, au milieu de nulle part. Voilà l’équipier rassuré : nous ne sommes donc pas seuls !! Et oui, on peut vite en douter dans ces situations…

Mais ce serait se limiter à la surface des choses…Pendant les quarts de nuits il suffit de ce poser sous le planétarium avec l’excellent livre de H.A. Rey « The stars » et vous pourrez dire à votre comparse de quart : « Waouh tu as vu la filante entre Andromède et la Baleine » ? Vous pourrez aussi deviser sur la brillance de telle ou telle étoile : « Toi tu trouves que c’est Rigel ou Beltelgeuse qui brille le plus fort ». Un coup à oublier de barrer droit ces animations nocturnes !

D’autres se pencheront sur la carte de l’Atlantique où se dessine peu à peu le trajet de Kanaga : Banc de l’Endeavour (3550m), passage entre le Mont Popp et le Mont du Tropique (1560 et 1050m), 6 jours roulant au dessus de la plaine abyssale du Cap Vert (5000m), 4 jours dans le grand rien (4000m), 1 jour pour escalader la dorsale (4000 à 1580m, sacré dénivelé), redescente tout schuss (là on a dû gagner un noeud dans la pente) et montée finale très raide pour voir apparaître…Marie Galante.

Ben oui, ok à la surface on se fait un peu balloter deci-delà mais heureusement qu’il y a de l’eau, vous imaginez le parcours à pied? Les dénivelés qu’il faudrait essuyer!! E-pui-sant !

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Terre! Terre!

L’équipier alors finalement satisfait de sa condition se voit récompensé par un final d’exception : les premières terres après 23 jours, les falaises de Marie-Galante et un coucher de soleil qui vient inonder l’archipel des Saintes de ses rayons…

Finalement la transat apprend peut être à regarder en 3 dimensions…

Joyeuses fêtes à toutes et tous !

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La mer vue de la terre c’est pas mal non plus…ici à Marie Galante
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Kanaga au mouillage et au repos après 23 jour de mer…

À suivre…

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  • Merci à douce plume pour son récit mesuré et plein de petites touches d’humour qui restitue assez bien l’ambiance du bord perçue par une terrienne docile aux lois du grand large…
    Ando

  • Génial ce récit en 3D d’une transat.
    Bon repos et bonnes fêtes.
    Joyeux Noël à tous.
    Bizh du 29 Sud
    Dominique H

  • Bonjour équipage de Kanaga!

    Merci de partager cette expérience extraordinaire qui malgré les aléas fait rêver et ne donne qu’une envie…. se joindre à vous pour embarquer dans l’aventure! À Québec, en ce 24 décembre, il fait moins 10 degrés et malgré la chaleur et l’esprit de Noël l’appel du soleil et de la mer est de plus en plus fort… Joyeux Noël !
    Élisabeth

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