Portobelo, dernière escale avant le passage du canal !

Journal de bord
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L’humidité s’échappe de la jungle…

Voilà presque trois semaines que Kanaga est au mouillage dans la baie de Portobelo pour une escale technique avant le canal. Ah…joies de la mécanique ! Au XVI et XVIIème siècle cette ville voyait transiter une bonne partie de l’or et de l’argent d’Amérique du Sud. Bien entendu, cette richesse ne pouvait laisser indifférents les pirates qui y ont mené plusieurs cabales…

Pendant que les uns s’arrachent les cheveux sur le moteur afin qu’il soit paré pour le passage du canal, les autres découvrent le site. Difficile quand on déambule aujourd’hui dans les ruelles de Portobelo d’imaginer son faste d’antan. Claude Levi-Strauss écrivait à propos des villes du Nouveau Monde : « elles vont de la fraicheur à la décrépitude sans s’arrêter à l’ancienneté ». Il est vrai que c’est la première impression que pourrait laisser la ville avec ses habitations « en cours », et ses épaves gisant sur le reef du fond de la baie.

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Des épaves…pour lesquelles on ne peut incriminer les boulets de canons…

 

Portobello a pourtant été à une époque l’un des sites qui a le plus influencé l’économie mondiale.

Officiellement fondé vers 1597, le village a longtemps été protégé par le Castillo San Felipe édifié par les espagnols et réputé invincible. Alors que l’or, l’argent et les pierres précieuses circulaient à foison, les pirates multipliaient les attaques. En 1668, Henry Morgan détruit « l’invincible » et pille le village. Il cache ses bateaux dans la baie de Buenaventura située juste à l’ouest et une partie de ses hommes attaquent par la terre, là où personne ne les attend. On peut encore fouler ce chemin à l’heure actuelle.

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Fort San Fernando…

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Kanaga est visé !!

Quatre nouvelles forteresses seront alors construites, aujourd’hui classées au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elles permettront de contrer d’autres actes de piraterie. Mais en 1739 la ville passe aux mains des anglais alors en guerre contre l’Espagne pour être ensuite de nouveau remise aux espagnols, suivant les accords de paix (faudrait savoir). L’Espagne est considérablement affaiblie et le transit des richesses par ce site est abandonné marquant le déclin de Portobelo.

C’est cette Histoire que le voyageur attentif pourra lire sur les murs des ruines des fortifications de la baie. Les canons sont toujours là, pointés vers les quelques bateaux de plaisance aux mouillage. Il y a moins de dix ans, ils étaient 80 voiliers à relâcher en moyenne dans la baie abritée. Mais la nouvelle marina de Puerto Lindo, à quelques milles à l’Est à attiré à elle les voileux. Portobelo est délaissée par ces voyageurs là.

 

Pourtant, chaque année, ils sont des milliers à venir ici assister au carnaval qui réveille la tradition des « congos ». Qui dit richesses et commerce au XVI et XVIIème dit esclavage. Les indiens ayant été en bonne partie décimés par les conquistadors, ces derniers ont « importé » de nombreux africains. Certains se sont révoltés et ont réussi à s’enfuir dans la jungle : les Congos. Aujourd’hui la culture Congo est principalement associée à la musique, la danse et l’art du même nom. Au détour ce certaines ruelles de magnifiques fresques murales colorées influencées par cette Histoire embellissent la ville.

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El Diablo Rojo…

Sur la route, les Diablos Rojos, bus bariolés aux freins défectueux, à la musique latino poussée à 300 décibels et aux chauffeurs …heu…sportifs (on a testé), circulent toute la journée pour mener les panaméens le long de la Costa Arriba. C’est animé !

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La jungle…

 

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Et quelques uns de ses habitants…

Ici, il faut aussi apprendre à regarder au travers de la dense végétation de la jungle. Les explorations de la baie et des alentours en annexe nous ont offerts quelques spectacles d’exception : vols d’ibis qui survolent le site à la même heure chaque soir…et de nombreux autres oiseaux que l’on ne connaît pas (800 espèces différentes au Panama !), grenouilles et insectes en tout genre, mais aussi quelques animaux plus grands. Un jour, alors que l’on explore une plage accessible que par la mer, on manque de se faire assommer par quelques lancés de mangues. Toute une famille de singes hurleurs s’ébat et se bâfre dans l’arbre fruitier. Et puis, fidèles à leur réputation, ils hurlent ! Ils annoncent la pluie en criant (et on est en pleine saison humide…), signalent aussi un danger de cette manière ou défendent leur territoire d’un groupe à l’autre : ceux qui hurlent le plus fort gagnent !! Les premières fois, c’est très impressionnant !!!

Mais voilà le moteur remis d’aplomb. Ce n’est donc pas les hurlements de farouches pirates mais ceux des singes que nous retiendrons en quittant Portobelo…- quoique le fantôme de Drake semble encore rôder dans les lieux…

Portobelo est notre dernière étape avant le passage du canal, dernière escale Atlantique pour Kanaga avant un bon bout de temps…

À suivre !

Acuadup…où il fait bon s’arrêter pour comprendre

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Kanaga au mouillage à Acuadup

Curieux de comprendre la vie des Gunas, nous avons choisi de passer une petite semaine au mouillage sous le vent d’une île du nom d’Acuadup. Kanaga y est seul.

Cette île est étonnamment arborée par rapport aux autres villages croisés jusqu’ici : bananiers, cocotiers, arbres à pain, papayers… circuler au coeur de cette communauté de 300 habitants est un régal. Les Negas sont traditionnelles et ceux qui ont l’électricité ont choisi les panneaux solaires. Nous avons été sollicités pour quelques réparations ici et là de ces panneaux, ce qui nous a valu quelques belles rencontres. Passé la phase d’observation, assez rapide finalement, chacun, que ce soit les Gunas ou les Kanaguiens se montre curieux des autres. D’où venez vous ? Comment vous appelez-vous ? Quelle âge avez-vous ? Combien d’enfants ?  le tout en Guna dans le texte sont souvent les accroches de conversations…après cela se poursuit plus ou moins facilement suivant si l’interlocuteur ou l’interlocutrice parle espagnol ou pas !

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Acuadup vu du ciel – enfin, du mât !

Le fait d’avoir une moussaillonne de 2 ans à bord est un sacré passeport aussi…au bout de quelques jours tout le monde connaît son prénom et à chaque passage nous voici entourés de gamins. Et il y en a ! Les familles de 4 ou 5 enfants sont classiques, les plus grands gèrent les plus petits, et tout le monde dort dans la case-dodo, dans les hamacs : mamie, papy, les parents et les p’tiots !

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Ambiances…

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Nous nous laissons aller à flâner dans le village trouvant au départ un prétexte pour chacune de nos sorties : « nous venons acheter le pain d’Edith »…puis juste le plaisir de les rencontrer. Ici des petites nous prennent la main pour nous amener dans un coin du village, là, une jeune femme raconte comment elle s’occupe de son bébé de 3 mois, un autre nous parle du Dieu Guna « PabDummat », un troisième raconte comment son panneau solaire est tombé et commente le résultat de l’élection présidentielle pour finir par nous préciser fièrement que l’équipe de volley d’Acuadup est la championne du secteur. Nous rencontrons le Sahila, chef du village, qui nous autorise à déambuler comme bon nous semble.

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Un iguane « domestique »…il sera mangé d’ici un an!
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Rencontres…

Peu à peu nous décodons leur mode de fonctionnement, veillant à rester discrets et à ne pas commettre d’impairs. Deux jeunes femmes nous demandent si elles peuvent venir visiter le bateau…et l’une d’elle nous fait une démonstration de couture d’un mola à bord avant de s’adonner à quelques pauses photos avec son amie. Ben oui, ce n’est pas parce que l’on est Guna et vêtue de vêtements traditionnels que l’on a pas de téléphone portable. Deux mondes cohabitent ! Le petit garçon de 1an et demi qui les accompagne, au début impressionné par ces grands blancs que nous sommes et craignant que sa maman ne le laisse à bord du Kanaga fini par se détendre et accepte de partager une mangue et un verre de lait…

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Taïna, Lenol et Mariana
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Mola à bord…!

Puis c’est à notre tour d’être invités à visiter leur Nega, et à nous assoir le temps d’échanger quelques mots et d’être parés de quelques atours gunas. Nous sympathisons avec Miguel et sa famille. Il nous amène au Rio non loin de là, nous remontons la rivière, notre prame suivant non sans quelques difficultés le « ulu » (pirogue locale) qui se faufile dans les méandres ! A quelques mètres de nous, on aperçoit un crocodile de belle taille qui ne nous attend pas. Plus loin Miguel et Neil, son fiston, nous conduisent à pied cette fois à travers la forêt vers un champ communautaire de canne à sucre, nous précisant en chemin les vertus de tel ou tel arbre. Je suis Neil…il est pieds nus, comme son père, et marche ainsi indifféremment sur les fourmis, épines, caillasses. Il semble déjà connaître les secrets de cet univers…

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Ying Yang Guna

Au retour le gamin embarque avec nous à bord de la prame…son rêve…aller sur la lune « Je m’appelle Neil, comme Neil Amstrong ! ». En attendant il préfère apprendre à pêcher avec son père que d’aller à l’école. Ce sont nos dernières heures ici à Acuadup, le ciel est chargé d’orages illuminant régulièrement le village plongé dans la nuit. Nous appareillons au petit matin, sur les berges, nos amis Gunas nous font de grands saluts…difficile alors de ne pas verser quelques larmes de crocodiles en quittant le Guna Yala.

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Retour en ulu…

À suivre !

Mirages Gunas

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Des paysages de rêve dont on ne se lasse pas…

Presque deux mois au Guna Yala, c’est à la fois déjà bien…et pas assez. Cette région fait partie de celles dans lesquelles ils faut passer du temps, beaucoup de temps, pour prétendre à comprendre et connaître un peu. Que ce soit ses habitants, ou sa nature. Un de ces coins du monde qui, si vous savez l’observer à sa juste valeur, vous bouleverse.

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Yolo se faufile dans la cocoteraie..

Elle se faufile rapidement dans la cocoteraie, pieds nus, claudiquant légèrement, elle a le dos vouté, doit mesurer 1m40 tout au plus, et les jambes toutes malingres. Quel âge a-t-elle ? 60 ans? 70? 90? 110? Sur sa tête, le fichu rouge et jaune « traditionnel », un anneau d’or dans le nez, des winni (colliers de perles qui couvrent les avant-bras et les chevilles), une chemise à fleurs sur laquelle est cousu un mola et un paréo. Elle s’appelle Yolo. Dans ses bras, un récipient contenant quelques poissons de récifs pêchés à l’instant par son mari, Martinez. Elle les amène au voisin, leur seul voisin, qui vit à l’autre bout de l’île. Lui, se nomme Prado. Je viens de passer un long moment avec Yolo et Martinez. Difficile de communiquer…ils parlent très peu espagnol et je ne connais que quelques rares mots de Guna ! Mais ils m’invitent à m’asseoir devant leur case, la nega, et je les observe. Yolo termine un moka et Martinez rentre de la pêche avec son ulu. Comme tous les jours.

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Martinez sur son ulu

 

 

Il ramène des poissons de récifs pêchés à la ligne, pour leur consommation personnelle et celle de Prado, ainsi qu’ une dizaine de lambis qu’il vendra ensuite aux Panaméens à 1 dollar le lambi…(ce qui n’est vraiment pas cher). J’aide les deux « vieux » à remonter le ulu sur la plage…cette pirogue pèse le poids d’un âne mort et je me demande comment ils font quand ils ne sont que tous les deux !

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Mouillage au porc…

Leur cochon sauvage élevé avec vue sur mer et sous les cocotiers nous observe goguenard…

Yolo nettoie les poissons tandis que Martinez perce les coquilles de lambis à la machette, ils les amarre ensuite ensemble et les conservera vivants dans le lagon jusqu’à ce que la navette de Soledad Miria passe pour les faire acheminer ensuite vers Panama City. Soledad Miria c’est le village dont ces trois là sont originaires. Alors que les îles-villages sont souvent surpeuplées et manquent d’espace, eux vivent dans un îlot du large loin des terres cultivées, loin des autres, mais d’après Prado…proches du « Firmament ». Ils ne savent même plus depuis combien d’années ils sont installés ici.

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Yolo nettoie les poissons…
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pendant que Martinez prépare les lambis…

Ils vivent de la pêche, des cocos et de la vente de quelques Mola. Un bateau de Soledad Miria passe tous les vendredi pour les ravitailler en fruits et légumes, car sur ces îles aux paysages paradisiaques il est difficile de cultiver autre chose que de la coco. De temps en temps des plaisanciers comme nous font une pause de quelques jours ici à Miriadadup et leur donne du café ou rechargent leur téléphone. Pas d’électricité non plus ici. Yolo me laisse avec Prado, s’éclipse discrètement. Je termine le tour de l’île et recroise Martinez qui tient à me montrer le « puits » creusé dans la cocoteraie, rempli d’eau douce, de l’eau de pluie en quantité qu’ils utilisent pour boire et se doucher.

Le petit bonhomme me raccompagne jusqu’à la plage et me gratifie d’un sourire et d’un grand au-revoir quand je me remets à l’eau. Ceux-là ont trouvé leur paradis…quelque part entre la vie de Robinson et la société Guna…laissons les peinards.

Plus tard…

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Et sous l’eau…

Plouf. S’immerger est toujours synonyme un moment fort, une plongée dans l’ailleurs. Ce matin tout l’équipage du Kanaga a sauté dans l’annexe pour se rendre à la barrière ceinturant l’archipel où nous mouillons en ce moment, les Cayes Holandes, ou « Kaimou ». Une nouvelle fois, les récifs coralliens me paraissent être en grande forme. Ça foisonne de vie. Ou devrais-je écrire, ça « poissonne » ! On trouve là toutes les bêtes à écailles du livre d’identification de la mer des Caraïbes. Pendant que les uns font connaissance avec un requin nourrice, les autres assistent à un véritable spectacle de raies : léopards, torpilles et pastenagues, elles sont toutes là et nous les croisons dans les passes à tour de rôle ou groupées. Plus loin un banc de carangues nous passe sous les masques suivi par deux requins nourrices qui nous ignorent superbement. C’est presque vexant. Sur le chemin du retour, j’ai le loisir de suivre longuement une raie léopard – appelée aussi raie aigle- elle déploie ses ailes avec grâce, elle plane….elle me guide dans la passe…ou du moins j’aime à croire qu’elle m’y guide…cette fois-ci n’est pas nous qui sommes au paradis ?

 

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Vu la langouste !
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Petits sapins sur colline de corail..
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Le tout accompagné à la trompette sur fond de gorgone arborescente !

À suivre…