De la force de la nature…depuis les Saintes à la Martinique

Journal de bord

Kanaga vient de mouiller à Tyrell Bay dans l’île de Carriacou, après 15 jours passés plus au Nord…15 jours qui ont donné lieu à réfléchir à la force de Dame Nature.

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Une des baies de Terre de Haut, dans le magnifique archipel des Saintes

Le premier choc a été le passage au large de la Dominique. Habitués à cette hauteur à longer une côte à la forêt luxuriante, cette fois le spectacle qui s’offre à nos yeux est moins réjouissant : des centaines de troncs d’arbres morts trônent au milieu d’une végétation qui lutte peu à peu pour reprendre ses droits. Sur le littoral, une côte en reconstruction, le troquet où nous avions réveillonné un an auparavant a disparu. Volatilisé. On nous dit que les habitants qui jusque là bénéficiaient d’une certaine autonomie grâce à leur production de fruits et légumes locaux repartent pour beaucoup de zéro. Le nombre de pertes humaines n’a pu être estimé, faute de recensement au préalable. Les aides se sont organisées, essayant de privilégier les contacts directs. L’île porte les cicatrices de celui qui l’a soufflée sans ciller. Quant aux touristes, la plupart ont modifié leur plans. Les paquebots ont été détournés vers la Martinique.

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Portsmouth à La Dominique, quatre mois après le passage du cyclone

La coupable ? Maria : l’oeil dévastateur du cyclone a remonté toute l’île du Nord au Sud.

Si Kanaga n’a fait qu’une brève escale à la Dominique, il a en revanche passé du temps à Terre de Bas, aux Saintes. Là aussi, Maria, quatre mois plus tard, reste présente dans tous les esprits. Certains décrivent des scènes incroyables : ils ont passé la nuit dans leur salle de bain, seule pièce sans fenêtres et sans toit, protégés entre deux matelas, en attendant que ça passe. D’autres ont eu des crampes pendant près d’une semaine tant ils avaient forcés contre leurs barricades de fortune pendant cette interminable nuit. Etonnamment, certaines « cabanes » d’aspect bien plus fragile ont tenues…sans doute aidées par Jah ? Les bord de plages ne sont guère en meilleur état que ceux aperçus à la Dominique : amoncellement de débris végétaux, restaurants du bord de mer arrachés au sol, escalier d’accès à la plage en partie effondré. Sous l’eau, les gorgones ont souffert elles aussi. Les pêcheurs disent que depuis le cyclone, les poissons prédateurs sont partis plus au large…Les récits sont nombreux, les habitants de Terre de Bas profondément marqués. Les vents étaient établis à 250 km/h….avec des rafales qui ont dû atteindre les 400km/h.
L’un d’eux m’explique : « en moins de 24h l’onde tropicale de la Barbade est devenu un ouragan de catégorie 5 ». Un jeune homme poursuit : « ma mère, en Belgique a appris avant nous aux infos qu’il passait en catégorie 5, alors qu’ici on nous l’annonçait toujours à 2 ou 3 !! ».
Heureusement hormis des dégâts matériels conséquents il n’y a pas eu de pertes humaines ici. La végétation repousse peu à peu, les pélicans sont revenus nicher là, les petits poissons pullulent -forcément, les grosses nageoires se sont éloignées- et les habitants gardent le sourire. Ils n’ont pas fêté le nouvel an chez Luc cet année, le restaurant étant détruit, mais chez Eugénette dont la patronne attendait, me semble-t-il, une bonne partie du village. La vie reprend son cours, se préparant peut être à d’autres cyclones de cette ampleur la prochaine saison, mais apprenant à vivre avec.TRA_9254

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A Terre de Bas, la plage de Grande Anse garde les cicatrices de Maria.

Nous traversons la sublime baie des Saintes, pour mouiller dans l’île voisine, Terre de Haut. Touchée elle aussi par Maria. La joueuse de Ka rencontrée dans le village (je dis ‘la’, car elle est la seule femme ici à pratiquer cet art de percussion locale), ne se souvient pas avoir vécu un cyclone aussi fort. Pourtant le site reste exceptionnel. La vue depuis le fort Napoléon n’a rien perdu de sa superbe. Sous l’eau, une immersion au pied du célèbre pain de sucre, permet de constater que les fonds sont toujours riches d’une incroyable biodiversité. Mouillés au pied de cette sculpture rocailleuse, tout l’équipage se laisse happer par la vision du Royal Clipper, l’un des plus grands voiliers du monde, qui s’impose peu à peu dans cette carte postale animée. Nous quitterons les Saintes en musique, dans une ambiance festive, avec un concert improvisé associant nos équipières musiciennes et les percussionnistes locaux !

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A Terre de Haut, les agents de la commune continuent à déblayer les plages, ici Pompierre.
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Le Royal Clipper apparaît peu à peu derrière le pain de sucre…

Kanaga a ensuite mis les voiles vers la Martinique, avec une première escale à l’anse Céron, baignée dans un paradis végétal. Le lendemain, nous avons poursuivi à peine plus loin pour nous rendre à Saint Pierre. Ici, hormis au marché où il est difficile de trouver de la plantain à un prix abordable et des bananes – encore une fois, suite au passage de Maria…- et quelques travaux en bord de mer, nous retrouvons la même ambiance que depuis notre dernier passage, il y a trois ans. Je prends le temps de déambuler dans les rues, où les ruines d’un passé révolu incitent à se replonger dans l’histoire du 8 mai 1902, jour de l’éruption de l’imposante Pelée qui a rasé la ville et ses habitants en moins de 3 minutes. Dans les eaux de la baie, gisent une dizaine d’épaves explorées aujourd’hui par les plongeurs. Cette navigation continue avec l’étrange sentiment de pérégriner dans des sites dont l’histoire est écrite par des forces naturelles qui nous dépassent…

Ce soir là, au pied de la montagne, le ciel était rougeoyant, embrasé par un superbe coucher de soleil – et non quelque fureur volcanique. Avec nos équipières musiciennes, nous avons embarqué à bord de notre jolie prame norvégienne et fait le tour des bateaux du mouillage, tout en jouant du saxo et de l’accordéon. Préposée à la rame, entourée de cette musique, ce moment était extraordinaire, de ceux qui vous font monter les larmes aux yeux.

Pas de doute, la puissance des éléments frappait encore, mais avec une infinie douceur cette fois-ci.

A suivre…

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  • Bonjour à toi Kanaga et à l’équipage ; j’attends avec impatience le retour de mon cher neveu Simon et me régale toujours autant de cette prose poétique et à chaque fois chargée d’émotion …
    Amicales salutations les pieds sur terre, entre neige et vent et pluie et reneige et re-vent …

  • Quel plaisir de te lire alors qu’il est 7h30 ici dans la nuit noire avec une tempête qui n’en finit plus….
    Vivement au telephone
    Bises

  • On ne peut que souhaiter que la vie reprenne plus paisiblement mais ….
    Bonne navigation
    Un bon bol d’air frais et enneigé pour vous rafraîchir….

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