La magie de la navigation…
Journal de bord
Kanaga a quitté l’Aber Wrach’ il y a une semaine, après avoir fait le plein de retrouvailles avec les amis bretons. Ah, ce qu’on était bien là à se raconter les derniers mois passés, à prendre les nouvelles fraîches et se marrer dans le carré comme si nous nous étions quittés la veille. Alors pourquoi ce besoin de repartir, qui plus est, vers le Nord ?
Examinons la situation.
Pour une partie de l’équipage, c’est la première trans-manche à la voile. Pour cette même partie, les souvenirs de la traversée seront variés. Les uns se rappelleront une nuit fraîche à la belle étoile, les tentatives d’accès à leur couchette ayant toutes échouées, les autres du moindre détail de leur bannette (joliment aménagée) qu’il auront pris le temps d’observer longuement, ou du rebord du pavois, ou encore du fond du seau, apparemment fort intéressant lui aussi…
Les aînés, arborant un teint vert-olive, diront, non sans amertume à leur progéniture : « Tu râles ? Pourtant d’habitude tu veux toujours faire des tours de montagnes russes supplémentaires ».
Ah, le mal de mer…
La marmaille, pourtant de nature acrobatique, n’y résiste pas toujours. Il y a peu, à bord de Kanaga, une scène assez rocambolesque a eu lieu dans le carré. Deux mères et quatre enfants y siégeaient : l’une était plongée dans une grande réflexion face au fameux seau, pendant qu’un des premiers marmots dormait à poings fermés. Un second était enfermé aux toilettes depuis 20 bonnes minutes, pendant qu’un troisième se laissait surprendre par son état bizarre et les caprices de son estomac, ce qui acheva la première…La 4ème enfant, de moins d’un an, imperturbable, pleurait réclamant sa pitance auprès d’une maman qui commençait à se sentir dépassée par cette cascade d’évènements et se sentait à son tour envahir par le mal… de mère. Dans ces cas là, il faut aller chercher loin pour se souvenir que oui, oui, oui on aime naviguer.
Mais, revenons à cette trans-manche. Chacun donc se concentre pour arriver à bon port, enfin ,surtout, dans le meilleur état possible. Le lever du soleil sur l’archipel des Scilly effacera en quelques minutes les quelques désagréments causés par la navigation…
Nous faisons deux jours d’escale dans ces îles improbables, hors du temps. Les habitants y proposent des produits locaux sur le pas de leur porte. La particularité c’est qu’ils ne sont pas là, vacants à d’autres occupations, et qu’ils vous font confiance pour mettre les quelques sous demandés dans la petite boîte prévue à cet effet. On a eu beau chercher, on n’y a vu ni webcam, ni pitbull féroce qui se jetterait sur le visiteur qui aurait l’idée de filouter. Et ça marche.
Malgré toute la sympathie que nous inspirent ces scilliens, il nous faut déjà repartir vers la Cornouaille car les prévisions météo ne sont pas des plus clémentes.
C’est, pour la même partie de l’équipage, la première trans-scillienne — pourquoi pas, vous allez voir, c’est à peu près aussi inconfortable que le RER aux heures de pointes. Nous avons beau essayer de choisir la meilleur conjoncture, il nous faudra composer avec la marée contre les courants pour nous mettre à l’abri à temps. Nous nous faisons balloter comme un bouchon de liège dans une bassine. A l’intérieur du bateau, le mal de mer n’est plus, mais le roulis oblige les uns et les autres à s’accrocher à tout ce qui traîne. Pas de chance, c’était le paquet de couscous, vous reculez de 4 cases. Bien ! c’est la rampe de la descente, vous parvenez à vous hisser — non sans difficultés — pour rejoindre l’équipe de pont. Là-haut c’est pire, ça bouge, ça flap flap, il pleut des cordes et vous ne pouvez même pas prendre de photos pour immortaliser le moment parce que vous craignez pour votre appareil. « Quand est-ce qu’on arrive ? » demande une voix timide… « Bientôt, bientôt… » En bas, certains commencent à se dire qu’ils auraient mieux fait d’aller au Portugal en vélo…et on se demande à nouveau pourquoi on aime tant faire du bateau…
Puis nous passons la « Land’s End » et constatons qu’après la fin du monde, nous sommes enfin peinards ! La mer se calme avec une houle structurée, de superbes lumières baignent la Cornouaille et le Saint Michael’s Mount apparaît, puis le port de Penzance qui sera notre abri pour quelques jours.
Alors que le soir, secs et ayant retrouvé notre sens de l’équilibre, nous commentons les évènements de la semaine, le mal de mer et le roulis sont évoqués sur un ton léger, voire plaisantin !
C’est la magie et le mystère de la navigation : cette propension à oublier les moments de galère, à être heureux du temps passé en mer, et pire…vouloir y retourner !
Vous y comprenez quelque chose vous ?
A suivre…
2 Comments
Héhé « la marmaille » expression en provenance de l’océan indien n’est il pas ??
Superbe description des « plaisirs de la mère » !…
On en redemande !
Superbe description de la vie en mer …..
À bientôt pour de nouvelles navigations plus paisibles !