Mola « Lisa »
Journal de bord
Les Molas méritent un petit article supplémentaire…Ces étoffes cousues mains par les femmes Gunas sont reconnues comme un art qui a largement dépassé les frontières du Panama. Recoupons les infos pour comprendre leur origine…
La couture est un des piliers de la culture Guna. Auparavant dotées de peintures sur le corps, les femmes ont dû se « couvrir » à l’arrivée des missionnaires (XIXeme siècle)…et ont donc transformé ces parures peintes en « mola ». Le mola est une succession de tissus agencés suivant la technique de « l’appliquer-inversé ». En clair, plusieurs couches de tissus (originellement 7 mais désormais 3 ou 5) sont superposées au fur et à mesure du travail, laissant apparaitre au fur et à mesure des découpes des dessins amérindiens représentant des animaux ou des formes géométriques. Le tout est cousu à la main et avec une précision et une rapidité d’exécution incroyable.
Lisa, « mola-maestra », est passionnée. Elle nous a proposé une toute autre version, qu’elle tient de sa mère, décédée à 97 ans, laquelle lui a transmis ses connaissances des mythes Gunas ainsi que son savoir faire technique en matière de mola. A l’origine du monde Guna, il y a le soleil et 4 étoiles qui sont 4 soeurs. Pardonnez-moi, je n’ai pas retenu ni enregistré leurs noms, respectant les lois de la transmission orale…Ces 4 soeurs sont descendues sur terre pour rencontrer les Gunas et leur enseigner l’art du Mola. Un Mola à l’origine est un tissu protecteur. Les motifs traditionnels sont géométriques. Les messages, symboles et enseignements qu’ils procurent à qui sait les lire concernent la médecine, la terre-nourricière, le monde animal ou le monde des esprits.
Un mola bien travaillé représente plusieurs mois de travail. Lisa nous a appris ainsi à distinguer les mola-touristes des vrais mola. Elle nous a mis en garde : n’achetez jamais un mola avec une panthère ou un crocodile! Ils viendraient hanter vos nuits et sont des esprits maléfiques…Nous voici avertis. Et celui avec la langouste ça craint ? Non, c’est un animal de la mer, qui n’est pas un prédateur de l’homme, aucun problème avec la langouste. Ouf.
Lisa vient d’une famille de chaman. Elle a des centaines d’histoires qu’elle a coeur à transmettre. Dans son village, Rio Sidra, les enfants viennent prendre des cours de « mola » chez elle, face aux tables de multiplications. « Parce qu’ils doivent savoir compter aussi ». Nous l’avons croisé plusieurs fois depuis le début de nos pérégrinations et cette fois-ci elle nous propose d’aller chez elle. Elle vient de terminer les 4 molas de la future cérémonie de la « chicha » qui aura lieu pour la puberté de sa nièce. Une fête très importante dans la culture Guna. Elle nous parle aussi des molas qui accompagnent les femmes et les hommes pour les cérémonies funéraires. Des protecteurs qui leur permettront d’accéder aux différentes couches du monde. Huit au total.
« Et les Nuchu ? Tu peux nous en parler? » « Ah…les Nuchu ». Les Nuchu sont eux aussi des protecteurs. Chaque Guna en a chez lui, plusieurs. Il est essentiel d’en prendre soin, des les nourrir, le leur parler, de faire attention à eux. Un jour, il se matérialiseront sous une forme humaine. Ce sont des sortes d’anges gardiens. Mais celui ou celle qui ne prendra pas soin de son Nuchu sera délaissé par ce dernier qui ira voir ailleurs. Nouvelle mise en garde de Lisa, si un jour un Guna veut vous vendre un Nuchu, refusez ! Un Nuchu ne se vend pas, il s’offre à ceux qui peuvent les recevoir…
Nous resterions bien encore des heures à l’écouter…et partons non sans quelques molas dans la besace car ceux de Lisa sont particulièrement beaux. C’est aujourd’hui un moyen pour les femmes Gunas de subvenir à leurs besoins. Lisa nous salue « La prochaine fois que nous nous rencontrerons je viendrai boire un café à bord de votre bateau et vous raconterai d’autres histoires! »
Lisa, Jorge et quelques autres savent que l’avenir de la culture Guna passent par leurs efforts pour la transmettre aux générations futures. Et ils sont nombreux, 40% de la population dans le Guna Yala a moins de 25 ans…c’est la région la plus jeune du panama.
Si Lisa s’attelle aux mythes et aux molas, Jorge lui est conscient de la menace de la surpopulation, de la montée du niveau marin, et de la société de consommation. Il re-précise que leur territoire est étendu aussi sur le continent dans la jungle où il dit en souriant : « si tu connais c’est le paradis, elle t’offre tout entre ça et les îlots tu n’as besoin de rien d’autre, sinon…c’est plus compliqué ! » Il a convaincu l’un de ses fils…et sont défi semble être de convaincre tous les autres…
À suivre…
3 Comments
Bonjours à tous,
Souvenirs, souvenirs qui datent déjà de plus de 25 ans !
Merci de les raviver…
Bonne continuation
Eric
Superbe rencontre….merci pour le partage ..
Une technique inconnue….quel plaisir de faire de telles découvertes grâce à vos navigations lointaines….
Continuez à nous enchanter et ….nous instruire !
Encore une fois merci pour la description de ce joli tableau !
Christian