Nouvelle escale aux Tuamotu : où il est question de lagon, de perles et de Kaveu
Journal de bord
Vous vous souviendrez que lors de notre dernier post, Kanaga s’était frotté d’un peu trop près aux récifs de l’atoll d’Apataki. Après une réparation et un carénage, nous sommes repartis de plus belle vers ces eaux, car il y avait encore beaucoup à voir…
Nous avons donc passé quelques semaines à naviguer entre Rangiroa et Makatea. Si le premier est le plus grand atoll et relativement touristique, sa « fréquentation » reste très raisonnable et les motu sauvages ne sont pas en reste. Et puis, ce qui est intéressant dans les atolls, c’est tout ce qui se trame sous la surface de l’eau…
Nous nous sommes donc immergés dans du turquoise toujours plus turquoise, croisant requins, remoras, raies, et tout le bestiaire des poissons papillons, chirurgiens, labres etc. Un spectacle quotidien et hypnotique pour qui aime chausser les palmes…. et les masques -très courus en ce moment.
A Rangiroa, nous avons appris que les requins tigres appréciaient déambuler dans le lagon, leur pêche étant interdite depuis 20 ans, ils retrouvent leur place ici… on ne les a pas croisé cette fois, et pour tout vous dire, on a évité, bien qu’ils soient réputés pacifiques ici (heu…comme l’Océan ?).
La passe de Tiputa, célébrissime, abrite quant à elle une famille d’une dizaine de dauphins sédentarisés que les plongeurs bouteilles apprécient particulièrement… les uns observant les autres. Plus bas, c’est le mur de requins qui attend ceux qui s’immergent au delà de 30m, marteaux, gris…
Quant au sud, on trouve des mouillages moins abrités, mais qui ne manquent pas de charme car déserts.
Une exploration des lieux à travers des hoa menant directement à l’Océan, révèle alors un rivage sculpté, les feo, sortes de platiers récifaux érodés par les vagues, les vents et le temps, formant ainsi des dizaines de vasques naturelles qui portent jusqu’au bord. Là, le déferlement permanent rappelle combien les atolls sont à pratiquer avec humilité… Les nombreuses épaves gisant sur certains motu y contribuent aussi…
Rangiroa est aussi célèbre pour ses perles. Il ne reste plus qu’une ferme qui cultive les précieuses huîtres ici (contre 10 en 2007). C’est aussi là qu’une école existe pour ceux et celles qui voudraient se lancer dans une telle aventure. Même si l’âge d’or est révolu, difficile de rester indifférent aux teintes qu’arborent celles qui orneront les poignets, oreilles et nuques de ceux qui s’en parent.
Du blanc au noir, en passant par tous les tons de la nacre, la couleur de la perle dépend de la couleur du manteau de l’huître porteuse. Huître qui sera cultivée 3 ans avant de pouvoir être greffée la première fois. Le greffeur, en charge de cette tâche délicate doit être extrêmement minutieux, rigoureux…et doté d’une excellente vue de près ! Un bon professionnel est capable de greffer 300 huîtres par jour. Il y dépose un nucleus de nacre (fabriqué au Japon), l’huître est remise à l’eau…et là il faut attendre encore 18 mois pour qu’une perle naisse de cette étrange association. Restera à sortir la perle, sans blesser l’huître…pour qu’elle puisse recommencer !
On ne sait si les huîtres apprécient ce traitement, mais en tout cas, elle fournissent un travail remarquable !
La légende dit que le Dieu Oro, amoureux d’une mortelle, aurait, pour la séduire, pris des morceaux de ciel qu’il a plongé dans la mer, dans les nuages, dans la nuit pour en faire de petites sphères teintées des couleurs du Monde afin qu’elle les porte sur elle… Celle-ci, accepta ses avances, mais trouva ce présent bien trop important et inutile pour elle qui allait devenir une déesse… Elle jeta les sphères dans la mer pour que les pêcheurs puissent les trouver et les offrir à leurs épouses… Mais des huîtres ternes qui se trouvaient par là les attrapèrent… Le Dieu Oro ria beaucoup et leur donna alors le pouvoir de fabriquer des perles merveilleuses jusqu’à la fin des temps…
Ensuite, nous sommes retournés à Makatea. Troisième fois que nous nous arrêtons dans cette île extra-ordinaire. Les villageois commencent à nous identifier, et nous y avons désormais quelques amis. Parmi les ressources de l’île j’ai déjà dû évoquer les Kaveu, crabes de cocotiers de parfois 90cm d’envergure, aux tons bleutés, couramment chassés par les locaux. Le principe est de déposer une coco coupée en deux la nuit sur leurs passages, près de pièges -attention c’est dangereux, de nombreux trous liés à l’exploitation du phosphate parsème le chemin. Vous revenez ensuite le lendemain et vous les « cueillez » en faisant attention de ne pas vous faire pincer! Effectivement les pinces principales semblent dotées de molaires et peuvent sectionner un doigt… c’est que pour casser une coco il faut être bien équipé.
Bref, faute de goélette -entendez cargo ravitailleur- au moment où nous passions par là nous avons été missioné pour transporter une trentaine de kaveu… à la voile vers Papeete! Evidemment le but du jeu était qu’ils arrivent bien frais, soit vivants à bon port….
Et nous voilà donc les arrosant pendant la navigation (moins de 24h), leur racontant des légendes et les abritants du soleil assez inquiets de leur sort, car entreposés dans une caisse avec les pinces liées… Je dois admettre que c’est la première fois que nous transportions des équipiers dans un aussi piètre confort…Ceci dit, alors que je les croyais déjà au pays des Tikis, le concerto de pinces au mouillage qui a accompagné la nuit précédent leur récupération à Tahiti, prouvait leur parfaite santé… Depuis, ils ont déjà dû faire des heureux !
En attendant, le Covid progresse en Polynésie suite à la réouverture des vols internationaux sans quarantaine depuis la mi-juillet. Si les masques sont donc de retour, pas de reconfinement envisagé pour l’instant…
Après sa courte escale Tahitienne Kanaga s’apprête à remettre les voiles pour les Tuamotu pour une chasse au trésor pas comme les autres. La suite au prochain épisode.
À suivre…
3 Comments
J’adore te lire ! J’aurai bien aimé ces étapes aussi. Des bisous à tous.
ta prose est merveilleuse Laetitia, tu m’as fait rêver. profitez bien. Avez-vous des équipiers, de la famille, Enora?… bises
Que de belles aventures bien lointaines…..qui nous changent des tracas du quotidien dûs au désagréable et imprévisible virus qui circule jusqu’aux coins les plus confidentiels de notre planète…..
Continuez votre belle navigation en prenant soin de vous ….