Ray Mora
Journal de bord
Kanaga vient de terminer son dernier mois de navigation dans les Tuamotu… Depuis février, nous avions à bord des «invités » dont nous ne parlions jamais, et qui pourtant nous ont suivi comme notre ombre et étaient de toutes nos escapades… Alors avant d’aller plus loin, une petite bafouille les concernant s’impose…
Ils mesurent entre vingt centimètres et un mètre et ont une tête de semelle. Non, ça ne vous parle pas ? Généralement ils sont collés sur les flancs des grands prédateurs, raies, requins…plongeurs.
Alors quand ils trouvent un abri telle qu’une coque de bateau et qu’ils peuvent nager d’atolls en atolls sous sa protection, ils s’installent et ne la quitte plus…
Et oui je parle bien des remoras. Méconnus, ignorés et parfois même mal-aimés car trop « collants » au regard de certains baigneurs…
Alors il est temps de présenter un peu ces bêtes à écailles auxquelles nous nous sommes attachés avec le temps. Véritables stations d’épuration naturelle, ils se délectent de tout ce qui est organique – je vous passe les détails mais vous garanti qu’ils sont efficaces. Il semblerait qu’ils aient un faible pour les céréales. Ils ont tendance aussi à grignoter les algues qui peu à peu s’installent sur la coque, ce qui nous arrange aussi.
Alors que requins, napoléons, raies et autres poissons remarquables leur volent la vedette, les remoras n’ont de cesse de rendre service non seulement aux voiliers mais aussi à ceux qui partagent leur lagon mangeant les parasites des uns et gratouillant les autres…
Des études scientifiques ont même prouvé que ce genre d’animaux, laids et collants sont, à tort, beaucoup moins préservés que les tortues par exemple, alors qu’ils ont une importance toute aussi capitale pour la bonne santé de l’écosystème marin.
Nous en avons une bonne dizaine installés en permanence sous la quille de Kanaga.
A force de les observer, nous avons eu envie d’en savoir un peu plus sur ces poissons-ventouses que nous considérons un peu comme nos animaux « domestiques ».
C’est ainsi que nous avons appris qu’à l’époque des romains Pline les soupçonnait de ralentir les navires… théorie à priori démentie depuis.
… ou encore que les Aborigènes du détroit de Torres apprivoisaient les remoras pour améliorer leur technique de pêche. Ils naviguaient dans des pirogues pleines d’eau, avec des remoras collés sur la coque. Ils les détachaient délicatement, amarraient une cordelette à leur caudale, et dès qu’ils s’approchaient d’une proie (raie, requin ou tortue), ils mettaient le remora dans l’eau. Celui-ci, naturellement allait se ventouser sur l’animal convoité. Les pêcheurs n’avaient plus qu’à tirer sur la cordelette car le remora, agrippé à la proie la piégeait. Si le bout cédait, le remora revenait vers la pirogue. Entre deux parties de pêche ils étaient choyés et nourris. Cette technique aurait été observée aux 4 coins du monde jusque dans les années 1980 mais personne n’a réussi depuis à réitérer l’expérience… *
Ce qui est certain, c’est que si nos premières immersions « accompagnées » de ces drôles de zigues nous ont laissé échapper quelques cris d’effrois « Ahhhh il va me ventouser !! »… avec le temps nous avons appris à cohabiter et nous portons sur les remoras un regard quasi affectueux…
Nous les avons laissé aux portes des Tuamotu, les voyant un à un s’échapper vers un nouveau poisson ou une nouvelle coque accueillante qui n’auraient pas l’outrecuidance de quitter ces eaux paradisiaques, quelle idée !
À suivre…
* « Eloquence de la sardine » de Bill François ed. Fayard
3 Comments
Merci pour cet article !
Vos 4 équipiers de Fakarava à Ranguiroa ont aussi eu le plaisir d’aimer ces drôles de poissons !!
Gros bisous à vous 3 et profitez bien de toutes vos aventures marines !
On garde toutes ces beaux souvenirs en tête et on raconte tout ça à nos petits enfants ❤️
Yannick et Christine, Marie et Bertrand !
Vraiment intéressant cet article ! J’ignorais tout de ce poisson hormis l’avoir vu sur les requins ou d’autres poissons
Une dizaine ?? La famille s’est agrandit depuis l’année dernière !