Entre motu et montagnes
Journal de bord
Kanaga n’avait pas encore exploré les îles sous le vent, c’est désormais chose faite avec la découverte de Raiatea et Tahaa… Retours sur ce mois de navigation depuis Papeete où nous entamons une pause technique.
Ce qui nous a frappé en arrivant à Raiatea, c’est le dynamisme de l’île. De nombreux voiliers choisissent d’y faire escale. Il est vrai qu’elle partage le lagon avec Tahaa’ , plus discrète, mais de fait très accessible et tout aussi accueillante.
Après plusieurs mois durant lesquels nous culminions à deux mètres d’altitude ce fut donc un vrai plaisir de sentir quelques montées sous les tongues et d’arpenter des chemins menant à de superbes panoramas. Et là, la magie opère, on se retrouve face à des paysages qui offrent un mélange de ce que l’on a tant aimé aux Tuamotu et aux Marquises : des lagons virant du turquoise à l’indigo dans des bleus à faire pâlir la palette de Matisse cerclés de montagnes qui en disent long sur l’histoire volcanique des lieux…
Sous l’eau, encore de belles rencontres, notamment avec des poissons clowns, et quelques coraux encore jamais observés lors de nos escapades précédentes. Pourtant certaines immersions m’ont parfois laissé un goût un peu plus amer, à force de comparer les sites, ici certaines zones semblent souffrir de divers maux (dans les plus visibles, une invasion de macro-algues, les Turbinaria Ornata qui squattent peu à peu les patates de coraux…).
En navigation, longer les îles est un régal, entre motu et montagnes, avec au loin, suivant la côte, la vue sur Bora Bora ou Huahine… Nous avons juste fait une rapide escale sur cette dernière, les dernières semaines ayant été marquées par de fortes houles et de fortes pluies, nous avons opté pour l’option : « en voir moins, mais le voir mieux ! ».
Tahaa’ comme Raiatea ont de grandes baies qui sont d’excellents abris, la plupart sont très peu urbanisés et parés d’immenses murs végétaux. De près la diversité botanique impressionne et envoûte.
Nous en avons profité pour refaire un saut dans une ferme perlière, avec notre équipage du moment. Le patron, passionné, héritier de la ferme parentale, mène son affaire de main de maître depuis vingt ans. Pour que les perles que son équipe cultive gardent une qualité optimale, il n’hésite pas à s’inspirer du savoir-faire étranger : australien, birman… afin que les perles de Polynésie ne perdent rien de leur qualité et réputation. Nous assistons, fascinés encore une fois, à l’opération de greffe, qu’il exécute en moins de 30 secondes, avec une précision chirurgicale. Un coup de scalpel de travers, et la nacre, blessée, serait condamnée…
A la table voisine, son neveux de 12 ans passe ses vacances ici : il découpe avec application des micro-morceaux d’une bande de 5mm de manteau d’une huître choisie pour les couleurs exceptionnelles de sa nacre. Ces morceaux servent de greffons, l’idée étant que l’ADN qu’ils contiennent soit utilisé par la nacre réceptrice pour envelopper le nucleus intrus que le greffeur lui inocule… Dix-huit mois plus tard, une perle naîtra de cette savante opération… Sachant que les huîtres greffées ont déjà trois ans…. Autant dire que vous ne regardez plus de la même manière boucles d’oreilles, ou pendentifs en perle !
Les légendes locales associées mériteraient à elles seules un chapitre entier…
En matière de légendes et d’Histoire, Raiatea n’est pas en reste. L’île abrite au Sud-Est, le site de Taputapuatea, un lieu sacré qui compte différents marae (sites cérémoniels issus de la culture maohi). Taputapuatea, bien que récent (XVIIè siècle) est le plus connu, célébré par les chefs maohi de Nouvelle-Zélande, des Cooks et de la Polynésie. En déambulant au milieu de ces marae, il faut imaginer les pirogues qui arrivaient de tout le triangle polynésien depuis la passe sacrée qui fait face à Taputapuatea pour participer aux cérémonies ancestrales. Dédié à Oro, le dieu de la guerre, il y aurait souvent été question de politique. C’est aussi dans l’un de ces marae que les rois se faisaient sacrer… non sans offrir aux dieux quelques innocents sacrifiés pour la cause.
Bref, malgré la magnificence des lieux et probablement des cérémonies, on se dit que le XXIème siècle a du bon…
Quelques jours plus tôt, en mer, la passe sacrée a été des plus clémente avec Kanaga – la légende dit qu’elle serait gardée par une pieuvre géante… Ce ne sont pas des pirogues anciennes qu’il nous a été donné d’y voir, mais peut-être l’esprit de la mer, matérialisé par un baleineau, qui expérimentait de nombreux sauts et cabrioles, aux côté de sa mère. Sur le pont, la ribambelle d’enfants qui étaient à bord avec nous à ce moment là étaient émerveillés… tout comme les plus grands ! Une bien belle image pour conclure cette échappée dans les îles sous le vent…
Maintenant, place au chantier !
À suivre…
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