Rencontres, explorations et premiers émois…

Journal de bord
Kanaga au mouillage à Conception Island

Voilà 12 jours que nos chasseurs d’images ont embarqué à bord du Kanaga, actuellement à Nassau sur l’île de New Providence. Accoutumés à batifoler dans l’eau salée, ils font ici leurs premiers pas SUR l’eau. Et c’est parfois plus aventuresque que l’on ne pourrait l’imaginer…

C’est la cambuse remplie et le matériel de plongée amarré sur le pont que nous avons quitté la République dominicaine. Premier objectif : l’épave du Polyxeni. Pour la rallier il nous a fallu d’abord quitter la baie de Samana, au pré avec des alizés établis à 20-25 noeuds (c’est pas la saison où ça se tasse???) et avec une bonne houle. L’idéal pour malmener les estomacs des aquanautes…Après une bonne demi-heure de navigation, l’une avait des yeux grands ouverts -lire entre les lignes : « Mais qu’est que c’est que cette galère? », l’autre se concentrait pour ne pas nourrir les poissons -lire entre les lignes « la prochaine fois, j’irai à la nage ! », un troisième se fait des noeuds au cerveau – « Comment on va pourvoir filmer droit avec un bateau qui bouge sur une mer qui bouge et un vidéaste qui tangue ? » et le quatrième « Ouf, ben moi j’ai même pô le mal de mer ! ».

Quelques longues heures plus tard…, le lendemain matin, nous arrivons au Silver Bank, le lieu convoité. Un banc de sable long de 3 milles et de 20m de fond, entouré de tombants de 1500m et plus. Enfin, ça c’est sur la carte. En vrai, il y a en plus des dizaine de patates de coraux qui affleurent un peu partout faisant du chemin de navigation un véritable labyrinthe avec nos 2,4m de tirant d’eau. Ajouter à cela des vents qui ne mollissent pas. L’épave est bien là, visible, cassée en 3 morceaux -probablement à cause du dernier cyclone…Mais il faut se rendre à l’évidence, plonger là, ce serait trop risqué, beaucoup de courant, trop de houle. Nous décidons tous ensemble de continuer la route, un peu déçus. Nous arrivons le surlendemain à Great Inagua, port d’entrée des Bahamas.

Voiliers de fret haïtiens

 

Sneida, 19 ans, cuisinière du bord
Manoeuvre du « cargo-brousse »

Là, Georges, maître du port nous accueille chaleureusement. A terre, nos aquanautes rencontrent leur héros fétiche : le Bernard l’Hermite. Celui-là sera filmé sous toutes les coutures ! Pendant ce temps l’équipage sympathise avec les autres occupants du port. Notamment Sneida, qui est cuisinière sur un bateau de fret haïtien. Tout en bois, une bome dans laquelle on reconnait la branche utilisée, des voiles qui sont un amoncellement de bâches plastiques cousues à la main, une marmite à charbon directement installée sur le pont. Ils ont amené des mangues ici à Mathewtown. Je discute avec Sneida, elle a 19 ans, son frère est le capitaine du bateau qu’ils ont construits eux-mêmes. Elle est en charge de la cuisine car elle aimerait bosser en restauration. Elle me parle des marins qui chantent et dansent le soir sur les flots…et bien qu’elle ait le mal de mer, c’est pour elle un espace de liberté. Dès fois elle trouve ça dangereux. Tu m’étonnes, on est loin de la plaisance confortable. Le lendemain c’est un caboteur haïtien lui aussi qui vient faire le plein de fuel…Un « bateau-brousse » chargé à bloc de multitudes de choses : matelas, bidons, tubes, vélos, cartons, et un cheval à bascule en haut de la timonerie. Quand il s’éloigne, cahin-caha, je me demande jusqu’où est capable de naviguer un tel rafiot avec ce chargement. Sneida elle semble prête à aller au bout du monde…

Arrivée à hogsty reef…il faut garder les yeux ouverts…
Armel, Rachel et Typhaine se jettent à l’eau

Nous reprenons la route pour un atoll repéré sur la carte. Le site fait rêver : une ceinture de corail avec plein d’épaves pour nos plongeurs, cela devrait pouvoir remplacer celle du Polyxeni. L’arrivée est sublime : dégradé de turquoises que nous regardons attentivement pour éviter toute patate de corail affleurante. Kanaga se fraye un passage ainsi jusqu’à la barrière, au coeur du lagon. Le site est grandiose. Le vent, toujours fort. Rachel, Typhaine et Armel se mettent à l’eau pour aller voir de plus près l’épave qui est près de nous. Kanaga stresse un peu, brr, toutes ces épaves, ça lui donne des frissons dans la quille. Ils reviennent une heure plus tard, assez impressionnés par cette épave battue par le ressac, empêchant toute forme de colonisation sur cette vieille coque. Même pas de quoi faire un quartier à balanes. Par contre, l’ambiance est forte, des tôles qui bougent, une porte qui s’ouvre…à ceux qui croient aux fantômes mieux vaut éviter d’aller trainer les palmes ici! Heureusement, nos grenouilles préférées sont prudentes et observent raisonnablement le site. Le soir, nous regardons ensemble les « rushes », une scène qui se reproduira souvent dans les semaines à venir. 

 

Conception Island, l’île idéale ?
Balcon sur la mer

Mais les sites prédéfinis, sur les îles de New Providence, Great exhuma et Bimini sont encore loin. Nous appareillons pour quatre jours de navigation, avec une pause sur une île déserte, Conception Island. Parce que les Bahamas, c’est surtout un archipel de 800 îles dont beaucoup sont dépourvues d’habitants – j’entends par là de notre espèce.

Un citron pas pressé se ballade sous la quille de Kanaga…

Armel se met à l’eau…espérant secrètement une première rencontre, un rêve de gosse. Et puis voilà, c’est l’heure : il croise deux requins citrons apparemment en pleine parade amoureuse. Quand il nous retrouve, on lui demande s’il l’a vu. « Quoi? » « La raie pastenague, une énorme sous le bateau! » « Ah, non j’en ai vu une toute petite ». C’est 45 minutes plus tard, en nous montrant ses vidéos du jour, qu’on voit les images des requins. Tous en choeur « Mais!!! Depuis des mois tu nous en parles et tu n’as rien dit ?!! » « Ben non…j’savais pas comment l’annoncer ». Il est des rencontres tant attendues qu’on ne sait quels mots mettre dessus. 

Quelques minutes plus tard, Rachel voit un autre requin posé sous le bateau, Armel replonge et trouve déjà des techniques pour approcher au mieux le squale sans le faire fuir.

Cette fois-ci, c’est bon, le clap de début est lancé. Prochains objectifs : le Ray of Hope et le Willaurie, deux épaves situées près de Nassau.

A vos masques…on tourne !

A suivre…

D’un Bernard à un autre

Journal de bord
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Kanaga aux BVI…

Kanaga est en République Dominicaine pour une courte escale. Alors que les équipiers qui nous accompagnaient depuis la Martinique débarquent ici après une dernière semaine aux BVI. D’autres embarquent, chargés de tout un tas de matériel audio, vidéo et subaquatique.

Les îles vierges britanniques, appelées aussi les BVI, n’ont pas échappées aux cyclones…Alors que nous jetons l’ancre dans un premier mouillage de nuit, le réveil au matin est surprenant : végétation rase, cargos échoués sur la plage, bâtiments détruits, anciens resorts très ventilés -le toit en moins…

Nous allons un peu plus loin, sur l’île de Virgin Gorda pour les formalités d’entrée dans le pays. Là, les bâtiments sont en partie reconstruits, mais le stock de voiliers démâtés échoués et entassés dans le fond de la marina est impressionnant…De quoi donner quelques frissons à Kanaga.

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Cargos échoués sur la plage

Pourtant l’escale du soir près des Baths, site touristique fameux mais désert ce jour, sera magique.   Elle a quelque chose qui oscille entre la côte de granit rose du Nord Bretagne et les Seychelles, suivant l’imaginaire de chacun. Ou peut-être simplement ce quelque chose qui fait que malgré les intempéries passées, le lieux n’a rien perdu de sa superbe. Kanaga se perd là dans un coucher de soleil aux couleurs orangées…de quoi rendre contemplatifs le plus sceptique…

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Prame avec vue sur Kanaga à Virgin Gorda…
Kanaga au mouillage à Virgin Gorda - Iles Vierges Britanniques
Ok, c’est cliché mais c’est tellement beau !

Le lendemain, un autre mouillage sur une autre île. C’est l’avantage de cet archipel, une heure ou deux de navigations mènent vers un nouveau site d’exception. Cette fois-ci c’est le turquoise qui dominera aux heures les plus chaudes de la journée, laissant la place à des cieux roses le soir…Ainsi défileront les jours, d’un ton à un autre, laissant chacun des souvenirs hauts en couleur.

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Du turquoise…
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Du bleu des mers du sud…
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Et du rose !!!

 

Une dernière soirée à Just Van Dyke Island, nom hérité d’un pirate qui s’était établi ici…Est ce l’ombre planante de cet homme ? Mais le lendemain, alors que la pleine lune, rousse, se lève et que Kanaga longe la côte de Puerto Rico pour rejoindre la République Dominicaine, un bruit de moteur brise la mélodie qui nous berçait à la barre depuis un moment. Une silhouette se devine dans le noir, à quelques encablures du bateau  et le bolide ralenti sa course à notre hauteur. Etrange et désagréable impression. Quelques minutes passent et il redémarre pour s’éloigner comme il est venu, tous feux éteints. A priori les gardes-côtes…ou un descendant de Van Dyke ?…Nous n’en saurons pas plus !

48h plus tard nous rentrons dans la baie de Samana, au Nord-Est de la République Dominicaine. Chacun préparant la suite de son voyage car vient un moment où il faut changer de coquille, passer à la suivante. C’est le cas des 4 larons qui nous accompagnent depuis un mois après avoir partagé un joli bout de mer.

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Une ‘Tite pause pour s’en remettre ?

Alors qu’ils posent pied à terre, et le temps pour quelques hirondelles de s’intéresser à la bome d’artimon, d’autres embarquent, des homo sapiens palmitus ceux-là. Bouteilles de plongées, palmes, appareils photos, drones, hydrophones. Ce sont les fameux traqueurs d’images dont nous vous parlons depuis déjà quelques mois…Ils viennent pour étudier le  Syndrome du Bernard l’Hermite…C’est parti pour deux mois d’expédition qui vont nous mener dans un premier temps au Silver Bank, blanc de sable isolé au nord de la République Dominicaine entouré par des fonds avoisinant les 3000m…

Premier site, première épave et début de l’enquête sur les Bernard-l’Hermite !

Mais au fait, l’un des 4 larons précédent s’appelait…Bernard non? Ben!!! Bernard revient, ils ont besoin de toi pour le film !

A suivre…

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Petit à petit l’oiseau fait son nid à bord du Kanaga…

Quand Kanaga se prend pour un yacht de luxe…

Journal de bord
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Quelques minutes avant le top départ…les voiles se croisent

Depuis deux semaines, Kanaga remonte l’arc Antillais, faisant des sauts de puce d’une île à l’autre. Il est actuellement à Saint Martin après quelques escales choisies, dont Antigua, en plein pendant la Classic Yacht Regatta, de renommée mondiale…

Il y a eu une première étape à Saint Pierre en Martinique où une partie de l’équipage avait pris rendez-vous avec la montagne Pelée pour arpenter ses flancs…mais celle-ci a joué les timides et est restée cachée entre nuages et pluie tout le jour…pour pointer son bout de sommet superbe et dégagé, le lendemain, au moment de l’appareillage…Un tantinet provocatrice !

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La Pelée le jour J….
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La Pelée le lendemain !

Une remontée de l’Arc Antillais ne peut se concevoir sans une escale aux Saintes, chez les Zozios, notre antenne-relais terrestre, l’occasion pour les nouveaux venus de découvrir l’archipel. Puis, Kanaga, trouvant des vents cléments, s’est dirigé vers Antigua.

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Terre de Bas, aux Saintes, à vous de trouver Kanaga

Antigua. Une île surprenante. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas croisé de «vieilles pierres». Là, au Nelson’s dockyard, rajoutez un pull en laine, et faites une halte au troquet du coin…vous aurez l’impression d’être sur une île anglo-normande. Bon d’accord, vous transpirerez à grosses gouttes et la vue depuis la fenêtre donnera sur une végétation plus tropicale. Mais quand même, les anglais ont laissé ici des traces et le port entier permet de se plonger dans une atmosphère étonnamment british, version XVIIIème siècle.
Faites quelques pas sur les quais, et vous voilà projeté dans une nouvelle ambiance…toujours so British…mais à la James Bond cette fois-ci. En pleine ouverture de la « Classic Yacht Regatta », les bateaux qui sont à quai sont tous plus impressionnants les uns que les autres. Les lignes  sont superbes, les coques sont lustrées comme des miroirs, les cuivres brillent, les pont en tecks n’ont pas le moindre défaut, et aucune faute de goût n’est à déplorer. A bord, ça vie, ça grouille, tout le monde est dans les starting blocks, la 1ère course commence demain, et tous se prennent au jeu. Pour certains c’est un rendez-vous annuel et quelques noms sont au podium depuis plusieurs années.

 

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Entre deux yacht…
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Miroir, mon beau miroir quelle est la plus belle coque…

Un coût de canon est donné. Les premiers, des géants, appareillent. Nous regardons ces voiliers de 50m de long défiler sous notre pavois…Puis d’autres suivent. Tous manoeuvrent avec classe et élégance. On chercherait presque James à la jumelle.

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Chorégraphie de voiles

Jusqu’au moment où Kanaga, n’y tient plus et appareille lui aussi pour se mêler à cette chorégraphie de voiles. Chacun a son poste à bord, concentré. On approche de près les Carriacou Sloop, bateaux de pêche traditionnels de l’île du même nom, reconvertis ici en bateaux de plaisance, on croise la goélette Columbia, tout dessus, Chronos et Rhéa, deux superbes yacht de charter où les gabiers n’ont pas intérêt à avoir le vertige, et dont les winch sont de tailles impressionnantes. Le spectacle est magique et Kanaga est à fond…tellement qu’il a bien failli prendre le départ de la course des bateaux de travail malgré lui !! Kanaga, Kanaga, on se calme. On n’a pas eu le temps de faire les cuivres, ni de parfaire le pont en teck ni de confectionner les coussins de cockpit en alcantara, ni de polisher la coque…Soyons raisonnables, et faisons route pour Saint Martin !

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Carriacou sloop, Genesis en tête
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Eros…
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Qui chasse qui ?

Notez que nous rallierons cette nouvelle île en 14 heures, ce qui nous fait une moyenne honnête de 7,2 noeuds avec deux ris dans la grand voile et l’artimon. Alors, bon ok, ok, James Bond n’est pas à bord, la coque ne s’habille pas de reflets miroités et les cuivres ne sont pas parfaits parfaits – heu de toute façon, sur le pont, on n’a pas de cuivres. Bon bref, Kanaga, il a encore quelques bidouilles à arranger pour approcher l’allure des yachts classiques….

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Kanaga qui patiente sagement au mouillage…

Mais non seulement il est rapide et nous surprend chaque jour de par ses performances, mais en plus on s’y sent bien et on l’aime beaucoup même avec ses petites imperfections esthétiques qui lui donnent un charme fou. La preuve on a remarqué qu’une petite goélette lui avait fait du gringue…

A suivre…