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2018 à bord du Kanaga…

Journal de bord

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C’est au mouillage aux Saintes, à Terre de Bas, que Kanaga a observé tranquillement l’année 2017 devenir 2018…La pleine lune éclairant la jolie baie qui nous a accueilli. L’occasion de se remémorer les moments forts de l’année qui vient de s’écouler…et de penser à la suite !

Voilà quelques mois désormais que nous voguons à bord du Kanaga…De la Manche aux Caraïbes, il a effectué avec succès sa première Transat et il a déjà de nombreux souvenirs et belles rencontres à son actif…et compte bien continuer à voyager au long cours ! A peine entamée que le programme de navigation de l’année 2018 est déjà bien avancé.

Nous commençons en musique avec Céline et Marion, qui nous retrouvent pour poursuivre leur quête de femmes musiciennes  : www.enquetedemusiciennes.wixsite.com/eqdm.
L’occasion de donner vie aux textes de « En attendant l’équipier & autres tribulations » à travers une petite tournée que nous organisons des Saintes à la Martinique : http://kanaga.fr/scriberies-maritimes/.

Ensuite l’idée est de mener des équipiers en bateau – on adore ça ! – entre la Martinique et les Grenadines, avant le traditionnel carénage du mois de mars. Période propice au nouveau maquillage. En avril, nous remonterons tout l’Arc Antillais, avec deux belles pauses à Antigua et aux Iles Vierges pour arriver dans la baie de Samana, en République Dominicaine.

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L’année commence aux Saintes pour Kanaga…

Là-bas, à Hispagnola, nous retrouverons la dream team du « Syndrome du Bernard l’Hermite ». Ceux-là aiment surtout passer du temps sous l’eau avec des caméras pour tirer le portrait des squatteurs d’épaves…C’est avec plaisir que nous les accompagnerons pendant près de deux mois aux Bahamas pour ce projet de documentaire animalier qui promet ! La bande-annonce par ici : https://www.youtube.com/watch?v=dCYnSCdhKQ8

Nous ferons ensuite une transat retour qui nous mènera vers la Belgique, avec cette fois-ci le projet d’embarquer des élèves de marine marchande pour tirer sur des bouts et faire des milles entre Anvers, l’Ecosse et la Norvège. Histoire de voir si les futur(e)s commandant(e)s ont l’estomac bien accroché ! Pour les soutenir, c’est par là : Antwerp student fleet

Bien sûr, nous terminerons l’année par un nouveau voyage vers les Caraïbes…mais avec l’idée cette fois-ci de poursuivre la route, car après tous ces évènements, Kanaga sera alors fin prêt et affuté pour passer les portes du Pacifique en 2019 !

Ceci nous mène déjà loin…2018 sera donc sous le signe de l’Atlantique et des beaux projets, nous ne manquerons pas de continuer à partager la vie du bord !

Sur ce, tout l’équipage vous souhaite une très belle 2018ème !!!

Laëtitia, Hervé, Taïna & Enora

Ma première Transat…

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Kanaga in the middle of nowhere…

Il aura fallu 20 jours -et 20 nuits- pour que j’accomplisse ma première Transat. Partis de Sao Antao, au Cap Vert pour arriver à Tobago, voici quelques impressions toutes personnelles.

Est-ce parce que c’était une première ? J’étais sacrément intimidé. Il faut dire que depuis le mois de juin j’errais de ports en ports en vue d’être «éprouvé» pour cette transocéanique. Dire que pendant 35 ans j’étais peinard à caboter dans ma Normandie natale. Puis, allez savoir pourquoi, voilà que le virus du nomadisme m’a touché de plein fouet. D’escale en escale, on m’avait équipé, rajouté des bouts et enlevé d’autres pour que je sois fin prêt.
Et puis, le jour J est arrivé. Lourde responsabilité que la mienne puisque tout l’équipage comptait sur moi pour assurer. Le GPS m’indiquait la route à suivre : 2400 milles pour rallier l’Afrique à l’Amérique…De quoi être fatigué avant même d’avoir commencé. En plus j’étais chargé, je ne vous raconte pas : plein de mangeaille, plein de gasoil, plein d’eau (2000 L!!), plus l’équipage qui allait de 10 à 98 kilos. Une véritable bête de somme !

Chorégraphie d’équipiers pour me parer de mes plus beaux atours…

Nous voilà donc filant vers le large à 7 noeuds, tout dessus, au grand largue. Pendant que j’étais occupé à rattraper la ligne horizontale qui se dessinait devant l’étrave – un travail de longue haleine-, le reste de l’équipage se relayait à la barre pour les quarts. Ça causait, ça causait, pendant que moi je bossais comme un forçat, et le tout, le cul dans l’eau pendant qu’eux restaient au sec! C’est toujours les mêmes qui se font avoir ! Donc, j’ai décidé de faire grève pendant 4 jours. Ma copine météo m’a organisé une petite pétole comme il se doit et nous avons erré ainsi avec le plancton de longues heures. Je ne vous raconte pas la tête de mes occupants devant le speedo qui affichait un beau 0.0 noeuds. Mais, ceux-là étaient résistants, et au lieu de se morfondre, ils se sont baignés dans le grand bleu, ont regardé mon dessous de quille (quel toupet !) et sont même allés jusqu’à se hisser en haut du mât, sans mon autorisation, alors que l’humidité permanente me faisait subir de nombreux rhumatismes.

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Grand bain dans le grand bleu…

La pétole n’ayant pas eu raison d’eux, l’alizé est revenu et nous avons continuer la route. Lever de soleils somptueux, nuits constellées et couchers de soleil embrasés…il m’était difficile de rester insensible à ce spectacle qui se jouait chaque jour sur le désert bleu qui nous encerclait.

 

Je m’habituais au fur et à mesure à mes compagnons de route qui, je l’avoue, me distrayaient. Daurades coryphènes et thazards ont agrémenté le menu quelques fois. Mon pont se transformait alors en poissonnerie, cris, odeurs, tout y était. Les équipiers avaient l’air heureux de ces prises. Les caprices d’Eole nous ont offerts aussi de nombreuses occasion de manoeuvrer de concert, j’assurais la portance, ils s’occupaient des voiles et ils les ont toutes sorties : les génois, les trinquettes, avec ou sans tangons. Je crois que j’étais beau gosse. Autre moment de distraction :  le subaquatique : si les dauphins viennent régulièrement à notre rencontre, nous avons cette fois-ci été accompagnés par des pseudorques, qui durant 20 minutes ont joué avec moi dans la houle du large. Puis les poissons volants eux, se sont souvent invités à bord. J’ai un faible pour ces derniers…jamais au sec non plus. Nous avons eu de longs échanges à ce sujet.

Puis les jours se sont « décalés », le quart de 4-8h, celui du lever de soleil, est devenu un quart de nuit où Orion, accompagné de son chien, courait après le Taureau. Il répétait la même scène toutes les nuits, sans jamais rattraper la bête. Ce qui me ramenait à mon propre sort, j’avais beau viser la ligne d’horizon, je n’arrivais jamais à l’atteindre. Plus j’avançais, plus elle reculait. Les nuages aux formes et lumières fantasmagoriques permettaient de doter cette course insensée de quelques variantes poétiques.

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Puis une nuit des lumières. Une île. La Barbade au loin. L’alizé se jouait de nous de nouveau, mais cette fois-ci, sans mon intervention…Dans la molle, nous avons hésité à y faire escale, jusqu’à ce que le vent fraîchisse de nouveau pour nous pousser à continuer vers notre objectif premier : Tobago, au sud. Encore une journée loin des côtes, comme si les lumières aperçues la veille étaient un mirage. Puis, en fin d’après-midi, nous l’avons vue. La terre. Nous étions en train de passer la ligne d’horizon-arrivée. Le soleil la noyait de ses rayons dans un ciel aux couleurs chaudes. Je palpais l’émotion de mes pensionnaires. Peut-être ont-ils perçu la mienne ? Quelques heures plus tard, alors que nous passions les îlots du Nord de Tobago, une douce odeur de végétation nous a enveloppé, nous incitant à nous glisser dans la Pirates’ Bay de Charlotteville.

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Au petit matin…le grand bleu a fait place à une forêt luxuriante…

Au petit matin, nous nous sommes réveillés au pied d’une forêt luxuriante, devant laquelle des pélicans s’adonnaient à des exercices de voltige. Mission accomplie : j’avais mené mes équipiers à bon port. L’un d’eux s’en est allé joué au Robinson sur ce vert cailloux, on lui souhaite un beau voyage. Trois jours, quelques milles et grains plus tard, nous sommes arrivés, escortés par les fous bruns à Grande-Anse, en Martinique. J’ai quelques courbatures mais des souvenirs plein la quille et je compte bien faire de nombreuses autres traversées…

A suivre…

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Plage paradisiaque à Tobago…
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Le Royal Clipper croise devant le piton de Sainte Lucie, quelques heures avant notre arrivée en Martinique…

 

Prélude Atlantique

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En bas, tout en bas, Kanaga attend le top départ au Mouillage de Tarrafal, à Sao Antao…

L’équipage du Kanaga profite de ses dernières heures d’escale sur la plus verte des îles du Cap Vert : Sao Antao. Plus que quelques heures avant le départ en transat, la première du bateau – et d’une partie des matelots et matelotes.

NDLR : Ici, au bout du bout du Cap Vert, en raison  d’une connexion internet plus difficile, la scribe vous demandera de faire travailler votre imagination, les photos choisissant pour la plupart de prendre leur temps sur cette superbe île au lieu de naviguer sur le web…

Nous avons quitté nos musiciennes-enquêtrices – et notre plume normande- à Mindelo, sur l’île de Sao Vicente. Elles vont passer quelques semaines de plus dans l’archipel à la recherche des femmes instrumentistes. Le challenge semble de taille, car si au moindre détour de rue, des mélodies de morna, funana et battuque se font entendre, il est vrai que ce sont toujours des hommes qui grattent ou percussionnent !

La tenancière d’une boutique de musique de Mindelo à la question « Vous connaissez des femmes musiciennes ? » est restée… sans voix – le comble ! Mais, en traînant un peu plus dans les rues et clubs locaux, on leur a parlé d’une femme qui ferait de la guitare dans les parages. Ah ! il doit bien en exister quelques-unes. Céline et Marion poursuivent donc leurs investigations, accordéon et saxophone sous le bras. Kanaga continuera a soutenir ce beau projet puisque les filles embarqueront de nouveau à notre bord pour une « tournée-musicale-improvisée » en janvier, de la Guadeloupe à la Martinique.

Revenons à bord. Les nouveaux arrivants trouvent leur marques et nous profitons d’une ultime escale à Sao Antao. L’accueil au village de Tarrafal est magique, on est trimballé de gargotes en gargotes pour rencontrer une partie du village. La moussaillone de 9 mois a un véritable pouvoir d’attraction auprès des locaux et se retrouve parfois dans les bras de quelques capverdiens et capverdiennes. L’occasion d’engager la discussion et de vivre de jolis moments d’échanges. Certains se laissent tenter par le « grogue » , rhum local. Celui de Sao Antao serait le meilleur…La musique reste présente, on rencontre Simon, guitariste ambidextre fan de Bonga, musicien angolais. Jouer de la guitare, c’est déjà quelque chose, mais jouer des deux mains, alors là, bravo ! Après quelques semaines où les débarquements étaient teintés de villages aux maisons colorées et de paysages lunaires, ici, la verdure des terrasses et des vallées contraste. De quoi se ressourcer avant la traversée de la grande bleue.

Ah…La traversée. Comme souvent, pour certains c’est une grande première et un rêve. Quasiment un Mythe. Un Graal. Un Everest. Un Stradivarius. La transat. Ce temps de mer suspendu entre deux îles. L’un des équipier me confiait qu’il attendait avec impatience de se retrouver dans cet espace où l’on oublie la date du jour, la position sur la carte et que plus rien ne compte sinon l’instant qui flotte. Ah…encore un artiste.
Pour d’autres, c’est un grand moment de bleu, avec de potentiels problèmes techniques, rupture de stock de café, ou périodes de pétole – chacun ses angoisses. Heureusement ces rabats-joie rodés à l’exercice se chargeront de veiller eux à la position de Kanaga sur la carte, sinon c’est un coup à se retrouver en Ouzbékistan en moins de deux.

Nous voici donc tous parés. Carnets de note près à encrer toutes les émotions et ressentis pour les uns, avitaillement, check technique pour les autres. Nous avons environ 2200 milles à parcourir pour rallier Tobago ou la Martinique, le temps de traversée décidera de l’île d’arrivée…Les alizés calmes pour le moment nous porteront vers l’Amérique centrale…

…Et ne le répétez à personne, mais même les plus mer-amer d’entre nous restent émerveillés du rythme offert par la perspective de la traversée d’un océan à la voile. Un rythme lent, palpable à l’échelle humaine qui rappelle que nous sommes bien petits sur cette grande planète océan…

Alors c’est parti ! Kanaga met le cap vers l’Amérique pour la première fois de son histoire…

A suivre…